La prise de rôle de Lady Macbeth par Sondra Radvanovsky a été contrariée par la pandémie. Ce fut pourtant chose faite à Chicago en septembre 2021. Mais son apparition en Europe dans sa maison de cœur catalane crée l’événement ; d’autant que le plasticien Jaume Plensa signe la réalisation scénique de cette nouvelle production.
© Gran Theatre del Liceu
Comme souvent dans pareil cas, on assiste à un exercice de style sans lien organique avec la scène. L’on retrouve ces têtes, pleines ou faites de maillages métalliques, déconnectées du drame Shakespearien ou de son avatar verdien. Le choix de costumes New Age, identiques dans leur forme, différents dans leurs couleurs, vient s’insérer dans cette lecture. Celle-ci s’avère dès lors plus comme une redite scénique de ces œuvres du plasticien qui saturent déjà les espaces publics où elles sont installées. Les lumières, de bonne facture, évoquent un travail que n’aurait renié un Bob Wilson. Enfin, Jaume Plensa cherche dans des lettres égrainées sans logique à se connecter avec le texte et le théâtre de façon maladroite, tel cet immense point d’interrogation incongru apparu pour la scène des questions aux sorcières. Les mêmes lettres se retrouvent en broderie sur les costumes et leur pertinence scénique nous échappe. Ce sont finalement les scènes à nu, celle avant l’assassinat de Duncan et la scène de somnambulisme, qui sont les plus convaincantes et où la direction d’acteur sort de la convention. Même les ballets, donnés dans leur intégralité, ne parviennent à rehausser l’intérêt d’un geste purement visuel qui délaisse et drame et chanteurs.
Josep Pons malheureusement n’arrive pas toujours à dynamiser l’ensemble. L’orchestre du Liceu, rutilant, s’avère parfaitement préparé et équilibré pourtant. Aussi, les ensembles et finals d’acte permettent de retrouver la tension qui s’efface devant un accompagnement sage des duos et des arias. Enfin, on regrettera un chœur féminin bien en deçà de son homologue masculin, ce qui nuit grandement aux deux scènes de sorcellerie.
© Gran Theatre del Liceu
Tout cela s’avère fort dommage pour un plateau d’excellente qualité. Gemma Coma-Alabert (dame de compagnie) rivalise de volume avec Sondra Radvanovsky dans les ensembles, Fabián Lara se revèle plus séduisant en Malcolm au timbre chaud que le Macduff tout en muscle et en souffle de Francesco Pio Galasso. Ce dernier déploie tout de même un beau phrasé, auquel il manque donc des nuances et couleurs pour émouvoir dans sa grande scène. Erwin Schrott en revanche compose un Banco royal, incarnant dans de solides graves l’homme de puissance cependant que les couleurs dont il parsème son air donnent à voir le père qui craint et qui doute. Luca Salsi le rejoint en cours de représentation. Celle-ci a commencé par un problème de justesse et une incarnation monotone ne laissant entendre que peu de différence entre l’hybris du Cawdor et la terreur du roi halluciné. La deuxième partie s’avère de toute autre facture, assise sur une technique désormais maitrisée. Son Macbeth se fait mordant, ironique et emporte l’adhésion dans un cantabile du quatrième acte où l’élégance de la ligne rejoint l’intelligence musicale. Enfin, Sondra Radvanovsky ajoute un nouveau triomphe à sa longue carrière. Ce rôle impossible semble taillé à sa mesure. Le timbre granuleux que certains reprochent au soprano canadien se veut le reflet idéal des souhaits du compositeur, notamment grâce à ses accents fauves et rauques dans les graves. Si l’on ajoute la tessiture longue et homogène, la technique belcantiste chevronnée, le volume et les audaces interprétatives de Sondra Radvanovky, on tient une incarnation fantastique. Comme à son habitude, rien dans les contre-notes, les messa di voce, les trilles etc. n’est gratuit. Tous les sortilèges qu’elle déploie rejoignent soit une tradition d’interprétation électrisante soit un regard très personnel sur ce personnage dont elle choisit de montrer toutes les failles plutôt que la monstruosité.