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Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

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Spectacle
8 mai 2023
Le rêve de l’enfant

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes de Richard Strauss (1864-1949) sur un livret de Hugo von Hofmannsthal
Créé le 10 octobre 1919 au Staatsoper de Vienne

Détails

Mise en scène
Lydia Steier
Décors
Paul Zoller
Costumes
Katharina Schlipf
Lumières
Elana Siberski
Chorégraphie
Tabatha McFadyen

Masques
Rebecca Barrault

Design Vidéo
Momme Hinrichs

Dramaturgie
Mark Schachtsiek

 

Der Kaiser
Clay Hilley
Die Kaiserin
Elza van den Heever
Die Amme
Michaela Schuster
Barak, der Färber
Wolfgang Koch
Färberin
Miina-Liisa Värelä
Ein Mädchen

Vivien Hartert

Der Einäugige
Johannes Weisser
Der Einarmige
Nathan Berg
Der Bucklige
Peter Hoare
Der Geisterbote
Bogdan Baciu
Erscheinung eines Jünglings
Evan LeRoy Johnson
Ein Hüter der Schwelle des Tempels, Die Stimme des Falken, Dienerin
Agnieszka Adamczak
Dienerinnen
Agnieszka Adamczak, Dorottya Lang, Serafina Starke
Stimme der Ungeborenen
Agnieszka Adamczak, Kseniia Nikolaieva, Dorottya Lang, Serafina Starke, Flore Van Meerssche, Shannon Keegan
Stimme der Wächter der Stadt
Gerrit Illenberger, Thomas Mole, Theodore Platt
Eine Stimme von oben
Kseniia Nikolaieva

Falke

Susanne Kahl
Gazelle
Emmanuelle Rizzo
Jüngling
Philip Eichhorn

 

Chor des Nationalen Musikforums Breslau

Cantus Juvenum Karlsruhe

Berliner Philharmoniker

Direction musicale

Kirill Petrenko

 

Baden-Baden, Festspielhaus

Samedi 1er avril 2023, 18h

Le Festival de Pâques, l’un des points d’orgue de la programmation du Festspielhaus de Baden-Baden, correspond cette année aux 25 ans de l’Institution et de l’immense salle aux 2500 places. Pour fêter l’anniversaire dignement, c’est un opéra hors normes qu’il fallait et on comprend aisément le choix de Die Frau ohne Schatten, opulent et fastueux chef-d’œuvre s’il en est, qui nécessite cinq voix d’exception, un orchestre hors pair et d’amples moyens. Pour la première du spectacle, l’impatience fébrile des mélomanes présents bien avant les premières mesures était palpable et un contentement manifeste à l’issue d’un spectacle ovationné avec ferveur se voyait sur les visages lumineux et comblés. Il est fort à parier que l’on se souviendra longtemps de la fête sonore vécue dans la ville thermale ; en revanche, il n’est pas si sûr que la vision de Lydia Steier, qui avait déjà abordé Salomé à Paris et Le Chevalier à la rose à Lucerne, puisse figurer parmi les mises en scène de référence de l’œuvre.

La metteuse en scène américaine a choisi de rajouter un personnage fondamental, celui d’une toute jeune fille dont on perçoit le rêve (mention spéciale à la jeune interprète Vivien Hartert). L’action se situe dans le dortoir d’un couvent où l’héroïne et ses compagnes sont surveillées par des nonnes en cornettes. Dans des locaux sinistres à peine agrémentés d’une reproduction de la Madone Litta de Léonard de Vinci, la jeune héroïne a peut-être perdu son enfant ou a accouché, on ne sait trop, mais l’ambiance évoque l’univers du terrible film The Magdalene Sisters. Le monde de l’Empereur et le terrain de chasse où il a capturé une gazelle (magnifique costume de Katharina Schlipf), transformée en femme et devenue Impératrice, ressemble à une grande scène vide surmontée d’un escalier tout droit sorti d’une comédie musicale de Broadway. Lydia Steier assume avoir voulu s’adresser aussi bien aux fins connaisseurs qu’aux néophytes, dans une démarche très « Entertainment ». Le couple impérial esquisse ainsi des pas de danse dans une lignée hollywoodienne ou fellinienne, où Fred et Ginger rencontrent des filles du Lido. Le faucon porte d’ailleurs l’un de ces costumes. Quant à l’univers du teinturier et de son épouse, il est littéralement ancré dans les obsessions de l’intrigue : le manque d’enfants. Ainsi, une sorte de boutique-usine très années Cinquante rose layette nous met en présence de manutentionnaires qui fabriquent des bébés dont on n’arrive pas très bien à comprendre s’il s’agit de petits baigneurs, de poupées, d’embryons ou de vrais enfants, que des couples viennent acheter et récupérer emballés dans du nylon, tout en s’extasiant devant leur acquisition comme s’il s’agissait de vrais poupons. Le spectateur peut demeurer dubitatif et se demander où veut vraiment en venir Lydia Steier : condamne-t-elle le trafic de bébés, l’emprise, voire l’esclavage, l’idée qu’une femme ne peut être entière si elle n’a pas enfanté ? Sans doute un peu tout ça. Mais les questions que suscitent ces tableaux visuels aux télescopages parfois abscons encombrent l’esprit jusqu’à la perplexité et une certaine frustration de ne pas tout saisir, ce qui va jusqu’à potentiellement perturber l’écoute. Cela dit, l’ambition qui se traduit par des recherches et des trouvailles visuelles vivifiantes reste à saluer, même si on aurait aimé qu’elles collent davantage au propos. À cet égard, le travail sur les ombres et l’absence de celle de l’impératrice est à souligner, car très réussi.

Si le plateau vocal est de haut vol, une voix se détache, absolument impériale, tout en déployant des trésors d’humanité, de délicatesse et de fraîcheur : il s’agit de celle d’Elza van den Heever, merveilleuse impératrice. L’autorité, la puissance et la précision de l’émission laissent pantois, quand les aigus transportent tant ils sont agiles et fluides jusqu’à l’évanescence. En nourrice maléfique et perfide, Michaela Schuster s’impose d’abord par une présence scénique évidente mais aussi avec une noirceur de timbre où l’aigreur perverse alterne avec une douceur enamourée en présence de celle qu’elle vénère. Miina-Liisa Väreläschatten, en teinturière exaltée et maîtresse femme qui ne s’en laisse pas conter, alterne néanmoins autorité et puissance d’avion au décollage avec frémissements amoureux irrésistibles de sensualité câline. Clay Hilley semble n’avoir pas plus de difficultés avec le répertoire de Strauss qu’avec celui de Wagner. Vaillance, expressivité teintée de noblesse, le ténor est souverain. Le Barack de Wolfgang Koch, largement célébré par le passé, s’impose toujours davantage, dans toute la palette de ses contradictions si humaines. Les duos, trios ou quatuors sont d’une ductilité et d’une beauté à ravir. Les chœurs et voix de l’au-delà magnifient l’ensemble, quoique certaines interventions se font en coulisses et sont sonorisées, ce qui rend encore plus irréelle la qualité vocale générale.

Mais les triomphateurs absolus de la soirée sont dans la fosse. Kirill Petrenko et les musiciens du Berliner Philharmoniker nous font apprécier la moindre note de l’immense partition de Strauss avec génie et opulence. Emportés dans une vague déferlante enivrante dont chaque gouttelette sonore scintille de tous ses feux, les spectateurs sont à la fois submergés et subtilement caressés de notes délicates et subtilement raffinées, sonorités encore magnifiées par les instruments de complément, dont l’harmonica de verre aussi limpide que luxuriant. Un pur enchantement.

Le Berliner Philharmoniker retournera à Salzbourg à partir du Festival de Pâques 2026 alors qu’il se produisait à Baden-Baden depuis 2013. Mais ce départ annoncé ne signifie pas la fin de la collaboration du prestigieux ensemble avec le Festspielhaus, qui continuera à l’accueillir régulièrement. En attendant, les musiciens animent le Festival de Pâques jusqu’au 10 avril prochain, une manifestation placée cette année sous le signe de la femme et de la musique à Vienne autour de 1900. On connaît du reste déjà le programme de l’Oster Festspiele Baden-Baden de l’an prochain : on reprend (presque) les mêmes pour un Pâques 2024 doté d’une Elektra, avec Kirill Petrenko et le Berliner, bien sûr, mais aussi Elza van den Heever, Michaela Schuster, Johan Keuter et Nina Stemme.

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Lydia Steier
Décors
Paul Zoller
Costumes
Katharina Schlipf
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Elana Siberski
Chorégraphie
Tabatha McFadyen

Masques
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Momme Hinrichs

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Agnieszka Adamczak, Kseniia Nikolaieva, Dorottya Lang, Serafina Starke, Flore Van Meerssche, Shannon Keegan
Stimme der Wächter der Stadt
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Jüngling
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