Même la présence solaire et l’interprétation tout en contrastes et nuances de Klaus Florian Vogt ne sortiront pas ce Lohengrin du niveau d’une soirée de répertoire moyenne quand il ne descend pas tout simplement dans le médiocre. Lothar Koenigs en porte une grande part de responsabilité : certes l’orchestre, bien charpenté, déroule un Wagner efficace mais souvent trop bruyant. Las, le chef ne décolle pas le regard de la fosse et laisse en plan, entre autres, les chœurs placés sur une passerelle en hauteur, ce qui conduit à des décalages et des départs ratés bien trop fréquents pour le niveau de la Bayerische Staatsoper, a fortiori dans du répertoire. Dommage, ces chœurs, quand ils parviennent à voir la battue dissimulée du chef, délivrent une performance en tout point remarquable.
© Wilfried Hösl
Côté plateau, outre le Lohengrin idéal de timbre et de caractérisation du ténor allemand à son meilleur niveau, on retiendra l’Elsa à la voix mordorée de Johanni van Oostrum. Cette soprano qui fréquente les scène européennes depuis une dizaine d’années, remplace avantageusement Anja Harteros, l’enfant du pays alitée, vaincue par les bacilles de l’hiver. La soprano sud-africaine bénéficie d’une voix égale sur toute la tessiture, d’un timbre rond et pur qui sied tout à fait à la blondeur du personnage. L’interprétation est à l’avenant, entre les cimes des récits de rêve et la véhémence dans la dispute avec Ortrud. Le basculement dans la folie au troisième acte se fait par touches successives et finit de couronner une excellente interprétation. On passera un peu rapidement sur le Hérault, certes en voix mais monochrome, de Martin Gantner et on louera au passage la noblesse de Christof Fischesser (Heinrich). En revanche, Wolfgang Koch présente une voix blanchie que seuls le sens du texte et la diction viennent rattrapper. Karita Mattila nous fait puiser dans le capital sympathie que nous lui allouons : au milieu d’une moitié de notes fausses sur toute la performance surnagent quelques aigus péremptoires et une caractérisation irréprochable. A défaut d’une leçon de chant, elle sert un portrait de méchante assez réjouissant… mieux vaut conserver ce souvenir.
Enfin, la production de Richard Jones, tristement connue par le DVD, finit de faire pencher le solde de la soirée du mauvais côté de la balance. On renverra à la description minutieuse qu’en faisait notre confrère dans sa recension de la création en 2009 et on tentera une analyse par l’absurde. Elsa fait des plans sur la comète malgré la disparition de son frère. Il faut dire que l’ambiance « Big Brother tout le monde habillé en T-shirt bleu moche » ne vend pas du rêve. Arrive Lohengrin avec la dinde de Noël. Il veut un enfant, sauve la donzelle, finit de construire le chalet de bois en prenant soin lui-même du berceau. Ortrud en maîtresse d’école mère-la-rigueur ne voit pas ça d’un bon œil. Elsa déconne : Lohengrin fout le feu au berceau et à la baraque. Les plans d’Elsa étaient faux. Reste Big Brother et des individus toujours habillés du T-shirt bleu le plus moche de l’histoire de la mode. Suicide collectif. Rideau. C’est pas ça qui va mettre des paillettes dans nos vies de wagnériens.