Le centenaire de la naissance de Britten permet enfin la parution d’enregistrements dont les plus anciens remontent à l’automne 2010. Malgré la fragmentation du processus, le résultat n’a rien de disparate, et propose un programme cohérent autour des premières grandes œuvres de Britten, composées entre 1937 et 1943. Autre élément garant de l’unité du disque : la présence de l’Amsterdam Sinfonietta, ensemble à cordes dont on apprécie la vigueur et le mordant, notamment en l’absence de tout soliste vocal dans les Variations sur un thème de Frank Bridge, qui valut à Britten un début de reconnaissance internationale lors de sa création mondiale à Salzbourg en août 1937.
Tout commence magnifiquement, avec une version mémorable des Illuminations, cycle que Barbara Hannigan consacre tout son art à parer de mille couleurs opalescentes, de sonorités parfois étranges, comme y invite la bigarrure des textes de Rimbaud. Habituée au répertoire le plus contemporain et à des partitions hérissée des pires difficultés, notamment dans le suraigu, la soprano canadienne est très à l’aise dans la musique de Britten, où elle joue de toutes ses capacités vocales, produisant des effets extrêmement séduisants. Son français est quasi impeccable ; tout juste s’étonnera-t-on de e qui semblent se glisser à la fin de mots en –é.
Le couplage des Illuminations avec la Sérénade pour ténor n’a rien d’inédit, il a déjà été pratiqué, mais en général dans des récitals où le cycle rimbaldien était confié au même interprète (rappelons qu’il avait été composé par la soprano Sophie Wyss). On regretterait plutôt ici, à l’inverse, que la soprano ne se soit pas emparée également de cette Sérénade car on descend très nettement d’un cran avec la prestation de James Gilchrist. Même si la première des mélodies composant le cycle exige de l’interprète qu’il recoure à la voix de tête, le timbre du ténor semble parfois assez ingrat. Le chanteur donne l’impression d’être sollicité à l’extrême, il s’époumone parfois comme si ses ressources ne suffisaient pas à maîtriser cette partition, parmi les premières que Britten composa sur mesure pour l’instrument très particulier de Peter Pears. Parmi les versions les plus récentes, on préférera nettement celle de Mark Padmore chez Harmonia Mundi. La présence du corniste Jasper de Waal permet d’ajouter en fin de programme la mélodie « Now sleeps the crimson petal », qui aurait primitivement dû être un des mouvements de la Sérénade.