Après l’échec qu’y avait essuyé son Turc en Italie, Rossini n’avait plus mis les pieds à Milan, se partageant pour les sept ouvrages suivants entre Rome et Naples. Début 1817, la Scala lui passe néanmoins commande d’un nouvel opéra, basé sur un livret de Giovanni Gherardini, la Gazza ladra. Ce dernier est tiré d’une pièce française, « La pie voleuse ou la servante de Palaiseau » de Baudoin d’Aubigny et Caigniez, créée deux ans plus tôt à Paris. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, surtout si on a en tête les Bijoux de la Castafiore d’Hergé qui reprennent peu ou prou la même idée, cette Pie voleuse est un mélodrame qui n’a à peu près rien de joyeux. Si l’on en croit Stendhal lui-même dans sa « Vie de Rossini », l’histoire serait tirée de faits authentiques : « (…) il paraît que cette vilaine histoire est fondée sur la réalité : une pauvre servante fut dans le fait pendue jadis à Palaiseau, en mémoire de quoi l’on fonda une messe appelée la messe de la pie ». Tout est dans le « il paraît ».
Quoi qu’il en soit, Rossini ne mène pas son ouvrage à bien avec la même facilité que d’habitude. Il ne veut rien laisser au hasard. Le soir de la première, servi par une distribution vaillante, il remporte un triomphe dont on a aujourd’hui perdu l’écho. Et pourtant, difficile de ne pas être frappé par la richesse de la partition, sa gravité –qui la rapproche parfois de Guillaume Tell avec beaucoup d’avance – ses audaces et sa complexité. L’œuvre est très rare à la scène comme au disque, car elle est lourde à monter. Le récent exemple de sa reprise à la Scala de Milan sous la direction fiévreuse de Chailly l’a montré. Aujourd’hui, seule la légendaire ouverture reste unanimement connue et célébrée.
En 1989, à Pesaro, une belle distribution (Ricciarelli, Ramey, Matteuzzi, Coviello, d’Intino) sous la baguette de Gianluigi Gelmetti, a donné une version qui est l’une des rares à avoir eu l’honneur du disque si l’on en excepte une autre en anglais (comme c’est l’usage à l’English national opera) dirigée par David Parry. Voici un extrait fort réjouissant du finale très dramatique du 1er acte dans la version de Pesaro, lorsque l’infortunée Ninetta, accusée de vol d’argenterie, est jetée en prison par le podestat du village. Buon compleanno, carissima gazza !