Fort de ses nombreux succès pré-révolutionnaires, mais aussi de ses astucieux services pour les régimes issus de la Révolution, y compris pendant la Terreur, Méhul a, au tournant du XIXe siècle, une réputation des plus solides qui lui vaut bien des honneurs. Bonaparte l’apprécie beaucoup et il sera l’un des premiers récipiendaires de la nouvelle Légion d’Honneur. Avant cela, le compositeur est devenu un professeur très recherché au tout nouveau Conservatoire de Paris. Il y enseignera jusqu’à sa mort en 1817 et ses œuvres comptent parmi les plus jouées dans les théâtres lyriques.
C’est en 1802, l’année où il sera décoré, qu’il compose un nouvel opéra-comique en un acte, pour la Salle Favart, justement. Le Trésor supposé ou le Danger d’écouter aux portes, sur un livret de François-Benoît Hoffmann.
Tout commence très classiquement : le jeune Dorval, un sans-le-sou, aime Lucile, dont le très avaricieux oncle Géronte refuse absolument toute idée de mariage, surtout avec ce jeune pauvre qui détient néanmoins une maison que Géronte voudrait bien acheter, mais au prix le plus bas possible. Lucile, à qui comme d’habitude on ne demande pas son avis, prendrait bien Dorval comme il est, tout entier ! Elle obtiendra un héritage à sa majorité et Dorval, espère que son père a fait fortune aux Indes… Mais en attendant, les jeunes amants étant un peu pressés, Crispin, le valet de Dorval, monte un plan pour confondre le barbon, qui adore écouter aux portes… Sachant Géronte caché derrière l’une d’elle et tout ouïe, Crispin lit à Lisette, la servante de Lucile, une lettre, qu’il prétend avoir subtilisée au père de Dorval. Ce dernier y affirme qu’il va mourir et dit à son fils qu’il a caché un trésor d’un demi-million de francs (autant dire une fortune mirifique) dans le cellier de la maison. Crispin indique à Lisette qu’il entend récupérer ledit trésor pour s’enfuir avec elle et qu’ils puissent mener tous deux grand train. Géronte, derrière sa porte, n’en peut mais. Tout content d’entendre un tel secret, il veut conclure l’acquisition de la maison de Dorval qu’il convoite séance tenante, pour mieux récupérer la mise. Dorval en demande 150 000 francs et Crispin en profite pour soutirer ce qu’il peut du vieil avare, menaçant ce dernier de tout révéler à son jeune maître avant la vente. Celle-ci est conclue et aussi bien Géronte que Crispin se précipitent dans le cellier pour déterrer le trésor. Ils trouvent bien un coffre, mais celui ci contient seulement un petit papier avec un simple mot manuscrit : « Le travail, la tempérance et la frugalité sont de plus grandes richesses que tous les diamants de l’univers ». Devant le désespoir de Géronte, Dorval propose de renoncer à la vente s’il peut épouser Lucile. Géronte accepte, avant que l’on découvre que le père de Dorval a bel et bien fait fortune aux Indes. Voilà les jeunes gens mariés et riches !
Le succès de la première de cette petite pochade, voici 220 ans aujourd’hui, est immédiat et la pièce connaît 11 reprises, avant d’être montée à nouveau durant les années qui suivent. C’est aussi cette partition qui sera choisie pour l’inauguration, en 1821, du Gymnase-Dramatique, ancêtre de l’actuel Théâtre du Gymnase et où les élèves du Conservatoire s’entrainaient sur des pièces en un acte, avec à nouveau beaucoup de succès, avant de disparaître pour de bon.
On n’en connaît guère, aujourd’hui, que l’ouverture, ici interprétée par l’Orchestre de Bretagne et Stefan Sanderling et dont le thème vous rappellera peut-être une mélodie bien connue, censée être née bien après. Qui sait, peut-être que les concepteurs du fameux « Happy birthday to you » avaient entendu les premières notes du Trésor supposé… ou qu’ils avaient écouté aux portes !