Après le grand succès de La Sonnambula, en mars 1831, la Scala passe une commande à Bellini, qui, sur les rives du lac de Côme, va composer à partir de l’été suivant une nouvelle œuvre sur la base d’une pièce du français Alexandre Soumet, tout juste créée à Paris au théâtre de l’Odéon : Norma, ou l’Infanticide. Felice Romani adapte la pièce, et l’opéra doit être prêt pour le 26 décembre suivant, jour de la Saint Etienne (Santo Stefano en Italie), qui consacrait les créations lyriques, ouvrant ainsi la longue saison du « Carnevale ». Malheureusement, le soir de la création appartient à l’un des nombreux désastres qui jalonnent l’histoire de l’Opéra comme pour le Barbier de Séville, la Traviata ou Carmen. La célèbre Giuditta Pasta, créatrice triomphale d’Amina quelques mois auparavant, avait eu le plus grand mal à retenir le rôle de Norma, et tout particulièrement le célèbre Casta Diva. Ce soir là, souffrante, elle n’arrive pas à répondre aux exigences terribles du rôle, ce qui précipite la catastrophe, déjà entretenue par les ennemis de Bellini, qui n’en manquait pas. Bellini, abasourdi, écrit à son ami Florimo le soir même : « Je reviens de la Scala : première représentation de la Norma. Le croirais-tu… fiasco !!! fiasco !!! fiasco solennel !!! A vrai dire, le public fut sévère il semblait véritablement venu pour nous juger(…).En dépit de tout cela, à toi seul je le dis, le cœur sur les lèvres (si la passion ne me trompe pas), que l’introduzione, la cavatina de Norma, le duetto entre les deux femmes, avec le terzetto qui suit, finale du premier acte, puis l’autre duetto des deux femmes, et le finale tout entier du second acte commençant par l’Inno di guerra, sont de tels morceaux de musique, et à moi il me plaisent tellement (modestie), que, je te le confesse, je serais heureux de pouvoir en faire de semblables dans toute ma vie artistique ! « Basta » !!! Dans les opéras, le public est le juge suprême ! A la sentence contre moi prononcée j’espère déposer appel, et si elle parviendra à changer d’avis, j’aurai gagné la cause et je proclamerai alors la Norma le meilleur de mes opéras. ». L’appel ne tarde pas : après quelques représentations, le succès vient enfin et ne disparaîtra plus.
Le rôle de Norma est aujourd’hui si lié au nom de Maria Callas qu’il serait vain d’y résister, que l’on aime ou non sa voix, tant la tragédienne a su s’imposer à toutes ses rivales, présentes et futures. En voici l’un des exemples les plus poignants, avec le début de l’acte II et la terrible hésitation de Norma devant les enfants qu’elle a eus du parjure Pollione, et qu’elle veut tuer, alors que « dormono entrambi ». Ici dans l’une de ses nombreuses incarnations scéniques, le 7 décembre 1955, à la Scala de Milan.