En ce début 1777, Christoph Willibald Gluck est à Paris depuis près de 3 ans. Dès son arrivée, il entend mettre en œuvre la réforme qu’il juge nécessaire pour l’avenir de l’art lyrique. Les succès d’Iphigénie en Aulide, puis d’Orphée et Eurydice, qu’il reprend et adapte en français, le confortent dans sa croisade, puis surtout d’Alceste, révision francisée de son chef-d’œuvre initialement en italien, créé en 1767.
Déjà dans Paris, les adversaires du présomptueux chevalier-compositeur grondent. Ce sont les tenants de l’opéra italien, qui supportent mal de voir ces œuvres traduites en français, quand bien même soient-elles de la main de Gluck, comme s’il n’en était pas le propriétaire. Les pro-italiens choisissent Niccolò Piccinni comme héraut et héros. Tout ce petit monde se dispute gentiment et Piccinni déclenche les hostilités en préparant un opéra sur un vieux livret de Philippe Quinault, Roland, déjà mis en musique par Lully et qui est au même moment en cours d’adaptation par Gluck qui, dira-t-il, brule tout son travail et change ses plans : il choisit de remettre en musique une œuvre presque sacrée, Armide, également de Philippe Quinault, dont Lully avait là aussi tiré en 1686 un opéra resté fameux. Gluck met tout son art dans son adaptation, quitte à recycler certaines de ses œuvres, tout en respectant presque totalement le texte original. L’outrecuidance de Gluck, qui se présente en égal de Lully sur une œuvre alors particulièrement populaire, n’a d’égale que son assurance.
Cette assurance lui permet de remporter un grand succès ce 23 septembre 1777 à l’Académie royale de musique, grâce aussi à une distribution qui fait honneur à la partition, véritable chef-d’œuvre. Piqué au vif, Piccinni ripostera bien en achevant son Roland, mais c’est Gluck qui remportera le duel grâce au coup de maître d’Iphigénie en Tauride, jusqu’à ce que l’échec d’Echo et Narcisse en septembre 1779 ne le conduise à quitter définitivement la France et à cesser de composer jusqu’à sa mort en 1787.
Voici l’air d’Armide, à la fin de l’acte II, « Enfin, il est en ma puissance », ici interprété par Véronique Gens avec les Talens lyriques dirigés par Christophe Rousset.