On le sait, John Adams aime bâtir ses œuvres lyriques autour de faits historiques, comme les opéras Nixon in China, The death of Klinghofer ou encore le poignant oratorio On the transmigration souls. En 2005, l’année du 60e anniversaire d’Hiroshima et de Nagasaki, il compose un nouvel opéra pour San Francisco, dont le livret est écrit par Peter Sellars avec pour titre Doctor Atomic. Il s’agit de raconter la préparation de la bombe atomique, jusqu’au premier test à Los Alamos quelques jours avant Hiroshima, et de mettre ainsi en scène son concepteur principal, Robert Oppenheimer.
Pour le livret, Sellars s’appuie sur des documents déclassifiés et des correspondances de personnalités ayant participé de près ou de loin au Manhattan Project, qui a abouti au résultat qu’on sait. Il y insère, un peu comme des intrus hors du temps, des poèmes de Charles Baudelaire et Muriel Rukeyser, ainsi que des extraits des Saints Sonnets de John Donne, du Gita, tiré du Mahabharata, et des chants d’Indiens d’Amérique.
La genèse de l’opéra n’a pas été simple, avec des dissensions dans l’équipe initiale et la nécessité pour Adams et Sellars de démentir qu’ils avaient pour objectif de présenter Oppenheimer comme une sorte de Dr Faust moderne. Ainsi qu’il l’affectionne dans ses œuvres, Adams tente de dessiner le portrait plein de doutes et de contradictions du physicien et de son entourage face à ce que tous perçoivent comme une sorte de fascinante monstruosité, source contradictoire de fierté et de terreur.
Adams voulait confier le rôle important de Kitty Oppenheimer, l’épouse du savant, à Lorraine Hunt qui, gravement malade, ne pourra jamais l’interpréter et mourra quelques mois après la première. Le 1er octobre 2005, à l’opéra de San Francisco, c’est Kristine Jepson qui chantera le rôle, aux côtés de Gerald Finley dans celui du savant et Eric Owens dans celui du général Leslie Groves.
L’œuvre recevra un accueil mitigé mais il n’en reste pas moins qu’elle recèle, comme les opéras précédents d’Adams, de splendides moments de grâce, comme cet émouvant « Batter my heart », qui montre tout le désarroi d’Oppenheimer sous les traits de l’excellent Gerald Finley.