Après plusieurs années assez glorieuses à Naples, où il avait étudié mais qu’il avait laissée quelques temps pour le nord de l’Italie avant d’y revenir et d’y créer plusieurs opéras, dont un pour la première fois au San Carlo en 1767, Giovanni Paisiello commence à trouver le temps long à la fin des années 1760. Il a les faveurs de la cour du roi, mais il a aussi des problèmes domestiques qui le conduisent à demander la faveur au souverain de ne pas épouser celle qui lui était promise au motif qu’elle lui avait caché qu’elle était veuve et que par conséquent, elle ne lui apporterait pas de dot… Pas de chance pour le compositeur, l’administration royale donne raison à la veuve et Paisiello est jeté en prison quelques jours en 1770 pour lui apprendre à vivre. C’est d’ailleurs en prison que, contraint et forcé, il se marie.
On comprend donc qu’après cela, Paisiello ait eu envie d’aller reprendre un peu l’air, même s’il avait encore des commandes à honorer pour Naples. Il en reçoit d’autres de la part des cours du nord de l’Italie : Modène, Milan mais aussi Turin. C’est donc pour la saison du Carnaval 1770-1771 que la toute nouvelle capitale des rois de Sardaigne (depuis 1720) lui commande une nouvelle œuvre qui aura pour thème le grand général carthaginois Hannibal. En effet, lors de la deuxième guerre punique (218-202 av. J-C), celui-ci avait posé le pied sur la péninsule ibérique, avait franchi les Pyrénées, puis les Alpes pour attaquer Rome par le Nord – il n’avait pas pris le chemin le plus court.
Sur un livret de Jacopo Durandi, Paisiello compose donc un dramma per musica en 3 actes, Annibale in Torino. L’action se déroule à Turin et dans ses bois alentours. Hannibal fait le siège de la ville. Il voudrait bien obtenir le soutien des Turinois, lesquels n’y voient rien de bon, d’autant que le Carthaginois est déjà allié aux Insubres (peuplade qui fondera Milan), que les Turinois n’aiment guère, et qui avaient montré aux envahisseurs le chemin à prendre à travers les Alpes par haine des Romains… À partir des récits de Tite-Live et de Polybe, le livret raconte donc le siège d’Hannibal et son combat contre Artace, roi des Turinois, dont Adrane, fille de Iassarte, chef des Insubres est amoureuse. Evidemment, les Turinois, héroïques, résisteront au grand général.
Lors de la première, Leopold et Wolfgang Amadeus Mozart se trouvent dans la salle. Ils sont de passage à Turin où ils sont arrivés le 14 et où ils resteront une quinzaine de jours dans le cadre de leur riche périple italien. Wolfgang écrira ensuite avoir assisté à un « magnifique opéra », ce qu’on peut aisément deviner avec la seule ouverture, très nerveuse, de l’œuvre, ici dans le seul enregistrement public qui ait été fait de la partition, en 2007 à Modène, sous la direction d’Ottavio Dantone.