Au début des années 1830, Meyerbeer et Hérold (nés la même année, 1791) se disputent la vedette sur les scènes parisiennes. Point d’orgue de cette rivalité, dans le Grand Opéra à la française naissant, les deux veulent adapter les Chroniques du règne de Charles IX de Mérimée, alors fort en vogue comme tout le genre du roman historique. Heureusement, les commanditaires des deux œuvres choisissent deux créneaux différents. Le drame sanglant et la Saint-Barthélemy à Meyerbeer, qui en fera ses Huguenots pour la salle Le Peletier en 1836 ; l’opéra comique plus apaisé et moins spectaculaire à Hérold qui présente ce 15 décembre 1832 à l’Opéra-Comique, justement, (salle des Nouveautés, la bien nommée) son Pré aux Clercs. Chef d’œuvre pour les deux compositeurs, on a oublié aujourd’hui combien celui d’Hérold allait tenir l’affiche un bon siècle, jusqu’à atteindre plus de 1600 représentations. La préparation de la première fut très soignée, avec des moyens importants et une distribution de haute volée, avec Etienne Thénard en Mergy et Mme Casimir en Isabelle notamment. Las ! Malade, Mme Casimir fait faux bond au tout dernier moment. C’est Véron, directeur de la maison concurrente, l’Opéra, qui prête en grand seigneur « sa » Julie Dorus-Gras, moins actrice que chanteuse, mais qui sauve la première. Malheureusement, Hérold ne profitera guère du triomphe. Atteint de tuberculose depuis des années, il est pris d’un malaise à la première et meurt un mois plus tard. Par un heureux hasard, le Palazetto Bru Zane vient de produire au disque une excellente version de ce petit bijou oublié, dont je vous recommande la non moins excellente (et très juste) chronique par Laurent Bury.
Voici justement Michael Spyres, pilier de la distribution de ce nouveau disque, qui chantait sur scène le célèbre « Ô ma tendre amie » en 2015, prélude à l’enregistrement.