C’est alors qu’il est chef assistant de l’opéra de Mayence que Hans Pfitzner prend connaissance de ce qui est présenté par le musicologue Wilhelm Ambros comme une légende, selon laquelle, autour des âpres débats du Concile de Trente, le compositeur Pierluigi da Palestrina a sauvé l’art du contrepoint et les exécutions musicales à destination de l’Eglise en réalisant une Messe du Pape Marcel considérée comme parfaite. Pfitzner tient là l’histoire de sa vie, qui l’occupera presque 20 ans. Il écrit lui-même le livret pendant plus de 2 ans entre 1909 et 1911, avant de passer les 4 années suivants à peaufiner sa partition. C’est le Théâtre du Prince Régent de Munich qui accepte l’œuvre et c’est Bruno Walter, l’un de ses amis, qui non seulement la dirigera mais en assurera également la mise en scène. A grands renforts de publicité autour de la création, celle-ci est un triomphe pour Pfitzner qui y voit un modèle de « l’art allemand », en écho aux dernières mesures des Maîtres-Chanteurs de Wagner.
Fréquemment repris en terre germanique, l’opéra n’a pas conquis les scènes internationales en dépit de ses incontestables beautés. Sans doute la personnalité très antipathique de Pfitzner, conservateur et même réactionnaire qui épousera sans l’ombre d’une hésitation le nazisme, n’y est pas pour rien. Mais son Palestrina est traversé par un souffle et une invention musicale qui inspirera même un Hindemith dans son Mathis der Maler.
Bruno Walter, lui-même contraint à l’exil pour échapper aux nazis, défendra pourtant toujours cet opéra âpre, déclarant peu avant sa mort, presque 45 ans après la création de l’oeuvre : « Malgré toutes les tristes expériences d’aujourd’hui je suis toujours persuadé que Palestrina perdurera. L’œuvre a tous les éléments de l’immortalité ».
En voici l’un des moments les plus saisissants, la scène de la vision à la fin du premier acte, lorsque les anges et le spectre de sa femme défunte dictent à Palestrina sa fameuse messe. Ici dans la version de référence de cette œuvre peu enregistrée, qui bénéficie d’un casting de rêve, dont Dietrich Fischer-Dieskau, Helen Donath, Brigitte Fassbänder et le merveilleux Nicolai Gedda dans le rôle titre.