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Carmen — Lyon

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Spectacle
1 juillet 2012
The Show must go on

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Georges BIZET

Carmen
Opéra en trois actes
Livret de Henry Meilhac et Ludovic Halévy
D’après la nouvelle de Prosper Mérimée
Créé à Paris (Opéra Comique) le 3 mars 1875

Mise en scène
Olivier Py
Décors et costumes
Pierre-André Weitz
Lumières
Bertrand Killy
Chorégraphie, assistant à la mise en scène
Daniel Izzo

Carmen
Josè Maria Lo Monaco
Don José
Yonghoon Lee
Escamillo
Giorgio Caoduro
Frasquita
Elena Galitskaya
Micaëla
Nathalie Manfrino
Mercedes
Angélique Noldus
Zuniga
Vincent Pavesi
Moralès
Pierre Doyen
Le Dancaïre
Christophe Gay
Remendado
Carl Ghazarossian
Lilas Pastia
Cédric Cazottes
Un guide
Joël Lancelot
Une marchande d’oranges
Alexandra Guérinot
Un bohémien
Kwang Soun Kim

Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Lyon
Chef des Chœurs
Alan Woodbridge
Direction musicale
Stefano Montanari

Opéra National de Lyon, dimanche 1er juillet 2012, 16h00

 

 

Comment mettre en scène, comment jouer, comment interpréter un opéra qui fait partie des œuvres les plus connues, les plus représentées ? L’Opéra de Lyon nous convie à une relecture passionnante de Carmen, tant au plan scénique que musical. La mise en abyme est d’emblée démonstrative : le rideau de scène est ouvert, et, encastrée dans un décor lugubre présentant un hôtel louche côté jardin et un poste de police (orné d’un drapeau tricolore) côté cour, une scène est disposée sur la scène, ainsi que, de dos, les fauteuils rouges destinés au public. Théâtre dans le théâtre, mais aussi spectacle sur le spectacle. Car il ne s’agira pas seulement de jouir du dédoublement de l’acte de regarder, mais aussi de réfléchir sur le statut de l’objet du regard et sur celui du spectateur. C’est pourquoi toutes les ressources de la scène sont mises à contribution : les feux de la rampe, les déguisements et travestissements multiples, les couleurs et la nudité des corps. L’hybridation des genres se manifeste aussi dans la présentation sur une scène de music-hall des grands airs de l’opéra : en faisant chanter sur cette scène la Habañera, mais aussi l’air de Don José et l’air du Toréador, Olivier Py fait de ces personnages des acteurs jouant leur rôle. Le projet peut choquer par son côté clinquant, mais il ne paraît jamais gratuit. Parallèlement à cette modernisation du propos et à ce déplacement géographique de l’Espagne vers la France, le décor pivotant conçu par André Weitz renoue avec la magie des machineries d’opéra (à l’instar de l’extraordinaire décor de planches articulées imaginé par Robert Lepage pour la Tétralogie au Metropolitan Opera de New York). Il permet de faire évoluer les personnages en divers lieux tout en soulignant leur co-présence : devant et sur la scène du cabaret (« Le Paradis perdu »), dans leurs loges, dans les coulisses de l’opéra, et dans le bar de Lillas Pastia. Le mouvement circulaire de ces quatre faces, laissant toujours à l’avant-plan l’hôtel et le poste de police, exprime ce mouvement dans l’immuabilité qui est l’un des sens de l’éternel retour nietzschéen.

C’est en ce sens aussi que l’on peut interpréter l’arrivée en scène d’un cercueil avant le chant des enfants, ici détourné (sur les paroles « Nous sommes de petits soldats », les enfants se moquent du policier et lui lancent des boulettes) – cercueil qui sera déposé sur la scène de music-hall pendant l’air d’Escamillo.
On ne peut qu’admirer la prise de risque de Josè Maria Lo Monaco en Carmen, qui chante au début dans une tenue très dénudée, puis un serpent sur les épaules (on pense à Lulu), dans un décor exotique évoquant les œuvres du douanier Rousseau, avec faux palmiers et panthère (belles lumières de Bertrand Killy). Sa voix profonde – mezzo chaleureux, timbre ambré – s’accorde avec ces images pour donner naissance à un personnage qui est à la fois Carmen et sa réinterprétation, dans un jeu volontairement distancié. Excellente actrice, elle a l’envergure du rôle, même si quelques syllabes sont parfois escamotées. Nathalie Manfrino interprète avec passion le rôle de Micaëla qui est ici tout sauf naïve et réservée, avec une voix lumineuse et éloquente, donnant parfois presque excessivement dans le forte – mais là encore, il s’agit de remettre en question des habitudes d’interprétation, et le personnage émeut véritablement. Le Don José de Yonghoon Lee semble peiner à s’échauffer, lors de ses premières interventions, avec une voix tendue et des aigus un peu serrés, manquant de lyrisme. Mais il déploie ensuite, et notamment à partir de l’air « La fleur que tu m’avais jetée », interprété sur la scène du cabaret, des ressources vocales insoupçonnées, des qualités de souffle, un beau legato, de magnifiques aigus. En revanche, Giorgio Caoduro en Escamillo est certes un excellent acteur à la prestance en rapport avec le rôle, mais il déçoit par manque de puissance vocale et de brio.
 

Il faut souligner par ailleurs les prouesses physiques de l’ensemble des chanteuses et chanteurs, avec de très bonnes prestations d’Elena Galitskaya (Frasquita) et d’Angélique Noldus (Mercedes). Les autres rôles donnent lieu à des interprétations de qualité, et les Chœurs et la Maîtrise de l’Opéra font comme toujours honneur à leur réputation.

Si la mise en scène et les décors permettent de faire dire aux mots autre chose que ce qu’ils semblaient signifier jusqu’alors, la direction musicale de Stefano Montanari permet aussi à la représentation de réactualiser l’œuvre canonique. Ainsi, l’orchestre  de l’Opéra National de Lyon gomme tout ce qu’ont pu avoir de pesantes certaines interprétations, en résistant à la tentation d’en faire trop (on pense à Nietzsche écrivant de cette musique, dans Le Cas Wagner : « elle ne transpire pas »). Les gradations se font par petites touches, les contrastes sont subtilement suggérés, par exemple au troisième acte entre la tonalité tragique du trio des cartes et la dimension humoristique du passage suivant.

Entre carrousel et danse macabre, la structure pivotante est parcourue du début à la fin par un personnage à tête de mort, côtoyant aussi, sur la scène, un nain grimé, un Hercule de foire, des athlètes et des danseurs. À la fin, c’est le décor lui-même qui devient squelette : Carmen et Don José se retrouvent dans la structure métallique nue, devant laquelle la bohémienne finalement est tuée. Mais tandis que Don José reste hébété par son geste, Carmen se relève et regagne la scène : The show must go on. Carmen est morte, vive Carmen ! Sacrilège ? Voire. Certains spectateurs se hâtent de partir avant la fin des saluts. Quelques huées se font entendre, vite recouvertes par des applaudissements. Car la qualité et l’engagement des interprètes, tout autant que les intentions dramatiques et musicales, emportent l’admiration et contribuent à donner du sens à la représentation d’opéra au XXIe siècle.

 

NB : Le spectacle sera retransmis gratuitement sur grand écran depuis l’Opéra de Lyon en simultané dans 14 villes de la Région Rhône-Alpes samedi 7 juillet 2012 à 21h30 :
Ambérieu-en-Bugey, Bellegarde-sur-Valserine, Chamonix-Mont-Blanc, Crest, Divonne-les-Bains, La Léchère – Les Estivales en Savoie, Lyon, Grenoble, Montélimar, Nantua, Tarare, Thonon-les-Bains, Usson-en-Forez et Villefranche-sur-Saône.

 

Version recommandée :

Bizet: Carmen (Remastered) | Compositeurs Divers par Sir Thomas Beecham
 

 
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Georges BIZET

Carmen
Opéra en trois actes
Livret de Henry Meilhac et Ludovic Halévy
D’après la nouvelle de Prosper Mérimée
Créé à Paris (Opéra Comique) le 3 mars 1875

Mise en scène
Olivier Py
Décors et costumes
Pierre-André Weitz
Lumières
Bertrand Killy
Chorégraphie, assistant à la mise en scène
Daniel Izzo

Carmen
Josè Maria Lo Monaco
Don José
Yonghoon Lee
Escamillo
Giorgio Caoduro
Frasquita
Elena Galitskaya
Micaëla
Nathalie Manfrino
Mercedes
Angélique Noldus
Zuniga
Vincent Pavesi
Moralès
Pierre Doyen
Le Dancaïre
Christophe Gay
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Un guide
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Une marchande d’oranges
Alexandra Guérinot
Un bohémien
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