L’ancien directeur musical du Wiener Staatsoper, Franz Welser-Möst, faisait étape à la Philharmonie de Paris à la tête du Cleveland Orchestra, pour donner la symphonie III de Gustav Mahler, accompagné de la mezzo-soprano britannique Jennifer Johnston et des chœurs et chœurs d’enfants de l’Orchestre de Paris.
Evocation de la nature, du granit et des racines du monde aux cimes apaisées de l’amour, la troisième symphonie est une des plus lyriques de son compositeur. La déambulation dans cette fresque commence dans la lenteur que les soubresauts du premier mouvement agiteront à peine. Les gestes du chef sont au diapason, lents ou frénétiques. Le Cleveland Orchestra, en conséquence caresse la surface de la partition, perdant son nerf et sa profondeur dans trop de langueurs ou, au contraire, s’épuisant dans des phrases trop rapides. Le lyrisme n’est abordé que du bout des lèvres, la tristesse profonde à peine esquissée, et les riantes évocations ne sont que petits sourires. Pourtant les couleurs des pupitres sont belles et Franz Welser-Möst a raison de se reposer davantage sur un orchestre qui brille par son collectif que sur les qualités individuelles de ses musiciens. Quelques scories émaillent la perfection de la performance, notamment le solo du cor dans le troisième mouvement.
Jennifer Johnston prête son phrasé et la beauté intrinsèque d’un timbre soyeux et opulent au texte de Nietzsche. Les premiers « O mensch » résonnent tristes dans l’acoustique réverbérée de la grande salle de la Philharmonie. Un lamento, plus qu’une méditation dans ce quatrième mouvement, qui, grâce à la britannique, atteint enfin la profondeur que l’on cherchait en vain jusqu’à cet instant. D’autant que l’attention portée aux mots et la langue allemande est remarquable. Dans l’avant-dernier mouvement, l’entrée des chœurs et chœurs d’enfants de l’Orchestre de Paris accentuera cette impression. Situés dans les gradins de l’arrière-scène, leurs voix se répandent ouatées dans la Philharmonie presque transformée en Eglise, heureux effet pour ce mouvement intitulé « ce que me montre les anges ». Un chant séraphique dans lequel les chœurs, enfants et sopranos tout particulièrement, excellent. Dommage que l’élévation finale du dernier mouvement où le chant s’efface, reste comme prisonnière d’un plafond de verre.