Monter Monteverdi est une gageure. Il n’est jamais simple de s’attaquer aux chefs-d’œuvre de la musique. Mais la metteure en scène Silvia Costa n’a pas froid aux yeux. Elle n’est pas femme à se laisser intimider par Monteverdi. Elle s’est emparée de ses ouvrages, en a fait le siège de ses délires et en avant la musique ! Heureusement, Monteverdi ne s’est pas laissé pas faire. Sa musique a bien résisté et malgré les extravagances de la mise en scène, elle est sortie glorieuse du spectacle « Combattimento » présenté au Festival d’Aix en Provence. Au bout du compte, c’est elle – la musique de Monteverdi – qui triomphe et que l’on retient, et c’est tant mieux ! De quoi s’agit-il ?
D’un spectacle monté à partir de la musique sublime du Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi mais aussi d’autres musiques – moins sublimes mais vraiment touchantes – de Cavalli, Carrissimi, Merula, Rossi, Massaino : Monteverdi and co ! Mises bout à bout, ces musiques accompagnent un spectacle en trois actes intitulés « le combat », « les lamentations » et « la reconstruction ». Au cours du premier, on assiste à l’assassinat de Clorinde par Tancrède dans un environnement de néons de boîte de nuit, au cours du second, on participe à une veillée funèbre où l’on voit une chanteuse porter un cercueil sur la tête, au cours du troisième se déroule une réunion d’architectes dans le monde contemporain, lesquels essaient de concevoir la maquette d’une ville idéale – tout en étant inquiets d’une éventuelle menace nucléaire ! (Un champignon atomique nous est présenté comme on le ferait d’un arbre de Noël pour les fêtes de fin d’année). Au milieu de tout cela, la musique fait merveille – en tout premier lieu celle de Monteverdi avec sa modernité, ses harmonies audacieuses, ses « frottements », sa puissance émotionnelle qui vous vrille le cœur.
Le troisième acte du « Combattimento » (La réunion d’architectes ) © Monika Rittershaus
Cette musique est magnifiquement servie par l’ensemble Correspondances de Sébastien Daucé. Dans la fosse, instruments à cordes en boyaux, cornets, sacqueboutes, théorbes, archiluths, guitares, tiorbino, clavecin s’en donnent à cœur joie. Sur scène, les ensembles vocaux excellent. Parmi les solistes, nous avons admiré – si nous les avons bien identifiés car le programme n’indique pas leurs rôles précis – l’impressionnante tessiture de contralto de Lucile Richardot, les séduisantes vocalises de Julie Rosset, la puissance expressive de Caroline Weynants, le pouvoir de conviction de Valerio Contaldo.
Le spectacle porte un sous-titre : « La théorie du cygne noir » – cela pour ajouter un aspect philosophique à cette fable sur le destin de l’humanité. C’est un signe des temps…