Comment solliciter la générosité des mélomanes en faveur d’organisations humanitaires ? L’association ColineOpéra organise à cet effet des concerts, avec la participation de volontaires, solistes ou instititutions. Cette année, l’Opéra national de Montpellier et l’Opéra-Comique sont les partenaires de l’entreprise, avec la Fondation Bru Zane. Avant Paris (25 mars) c’est à l’Opéra Berlioz qu’est proposé le rare Roi d’Ys.
Les musicologues qui ont relevé les faiblesses du troisième acte, tant pour la rigueur que pour l’invention thématique, reconnaissent à l’œuvre dans son ensemble une composition d’un indéniable intérêt par des bonheurs mélodiques et des recherches orchestrales et chorales complexes. Autrement dit, dans la mesure où l’œuvre n’est pas au répertoire, sa préparation n’a rien de facile. Est-ce la conséquence d’une semaine qui a vu se succéder en quarante-huit heures la menace d’une grève de l’intersyndicale des musiciens, puis son annulation ? Sans être indigne, loin de là, cette audition ne nous a pas convaincu qu’il était impossible de mieux faire. Pour être clair, Patrick Davin – bon connaisseur de l’œuvre qu’il dirigea en 2008 à Liège – a-t-il pu faire mieux qu’une mise en place et qu’une recherche de l’effet par des contrastes sonores ? Grosso modo, tout fonctionne, parce que les participants sont de bons professionnels, mais l’exécution à l’Opéra-Comique sera-t-elle plus nuancée ? On le souhaite à tous égards, y compris pour les chœurs renforcés, si présents dans l’œuvre, dont l’engagement semble uniformément belliqueux, hormis dans le premier tableau du troisième acte, même quand il aurait dû être dévot ou joyeux et dont les effets d’éloignement sont perfectibles.
Heureusement les solistes possédaient leur rôle, certains pour l’avoir déjà interprété. Ainsi Sébastien Guèze chante Mylio, comme à Liège en 2008. Etait-il fatigué ? On avait souvent l’impression pénible qu’il luttait à ses limites, loin de la facilité d’un Alain Vanzo. Comme à Toulouse en 2007, Franck Ferrari donne un beau relief au personnage démoniaque de Karnak et Sophie Koch, qui était déjà alors une Margared passionnée, soumet l’auditoire à la violence de sentiments contradictoires, d’une voix encore plus riche d’harmoniques graves et d’une percutante projection. Auprès d’eux un roi plein de la noblesse requise, mais par moments handicapé par une congestion nasale, Nicolas Cavallier. Dans le rôle de la douce Rozenn, une magnifique Juliana di Giacomo, soprano lyrique charnu, étendu, éclatant et agile, d’une belle expressivité et au français quasiment impeccable. Ce qu’on ne peut dire de Nika Guliashvili, ex-pensionnaire du Cnipal, tant son Saint Corentin sonne slave, mais la voix semble de bronze. Frédéric Goncalves enfin fait regretter que le rôle de Jahel soit si court.
Donné en deux parties de longueur à peu près équilibrée – un entracte après le premier tableau du deuxième acte – le concert est suivi en silence par un public attentif dont la majorité découvre probablement l’œuvre. Par-delà les remarques possibles sur l’interprétation, l’impact de la musique est souligné à l’entracte – les réminiscences wagnériennes, des échos de Massenet, voire de Gounod – et les derniers accords entraînent l’enthousiasme. On en est heureux pour les artistes qui se sont engagés dans cette entreprise généreuse, et tout particulièrement pour Sophie Koch, marraine de ColineOpéra. On leur souhaite le même succès à l’Opéra-Comique.