De la diva, Hibla Gerzmava a certainement l’habit si l’on en juge par les grandiloquentes robes à cape qu’elle a revêtues lors de son récital salle Gaveau lundi 25 novembre. Elle n’en a pas encore tout à fait l’aura puisque la salle à la jauge modeste n’affiche pas complet. La soprano russe peut pourtant se prévaloir d’une solide carrière sur les grandes scènes du monde et Paris la connaît pour ses engagements couronnés de succès à l’opéra : Vitellia, Elisabeth de Valois et Desdemona. Quant à l’étoffe, elle reste encore à raffiner pour rejoindre les plus grandes.
Le récital, accompagné du piano méticuleux d’Ekaterina Ganelina, se donne un programme aussi riche qu’ambitieux construit autour du répertoire russe en première partie et de grands airs du belcanto entrecoupés de « pauses » de mélodies françaises en seconde partie. C’est dans son répertoire natal qu’elle déploie des charmes certains, une voie ronde, chaleureuse et aisée sur toute la tessiture. La technique épouse les intentions et de romances en mélodies, Hibla Gerzmava peint des tableaux mélancoliques, s’emporte de passions amoureuses ou se pique d’espagnolade. Ces qualités, on les retrouvera – malgré une diction françaises truffées d’exotismes – dans les quelques pages de Fauré et de Hahn qu’elle se ménage entre les scènes exigeantes du répertoire italien. La encore, avec sobriété, elle fait confiance au texte derrière lequel elle s’efface, galbe juste sa ligne nimbée d’une élégance simple et la magie opère.
Dans le répertoire romantique italien elle est plus à la peine. Verdi lui convient davantage. Elle peut y couler cette voix large et opulente et caractériser d’accents de furie les passages qui s’y prêtent. C’est encore à peu près vrai dans les cabalattes belliniennes et donizettiennes. « Coppia iniqua » s’avère autrement plus convaincant que « Al dolce guidami » où les quelques allégements qu’elle propose ne sauront faire oublier l’absence de demi-teinte et de notes filées. Ce n’est pas tant la technique qui lui fait défait qu’une incapacité à la mettre en œuvre qui disqualifie sa proposition. La soprano russe, prise dans la concentration technique nécessaire à ces morceaux de bravoure est obligée de concéder une interprétation sommaire. C’est malheureusemet sur cette inadéquation vocale que Hibla Gerzmava achève son programme. La fatigue aidant, le « Casta diva » finit de révéler ce qui n’est pas à sa portée d’interprète et accuse des aigus durcis, une respiration bruyante et toujours cette émission bloquée au mezzo-forte. Fort heureusement, trois bis enjoués réclamés par un public visiblement conquis par l’interprète et son énergie, viendront redonner une teinte festive et généreuse.