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Pelléas et Mélisande — Glyndebourne

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Spectacle
6 août 2018
Ça crève les yeux

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en cinq actes, livret d’après la pièce de Maurice Maeterlinck

Créé à l’Opéra-Comique le 30 avril 1902

Détails

Mise en scène

Stefan Herheim

Décors et costumes

Philipp Fürhofer

Lumières

Stefan Herheim, Tony Simpson

Dramaturge

Alexander Meier-Dörzenbach

Mélisande

Christina Gansch

Pelléas

John Chest

Golaud

Christopher Purves

Arkel

Brindley Sherratt

Geneviève

Karen Cargill

Yniold

Chloé Briot

Le Berger

Michael Wallace

Le Médecin

Michael Mofidian

The Glyndebourne Chorus

Direction : Nicholas Jenkins

London Philharmonic Orchestra

Direction musicale

Robin Ticciati

Glyndebourne, lundi 6 août, 17h05

Sur le papier, Pelléas et Mélisande semblait être un opéra fait pour Stefan Herheim, et l’on pouvait compter sur le metteur en scène norvégien pour délabyrinther les méandres affectifs du royaume d’Allemonde. Hélas, peut-être est-il toujours plus facile, au fond, de complexifier une intrigue simple, et le chef-d’œuvre de Debussy fait un retour moyennement convaincant au festival de Glyndebourne (les dernières représentations remontaient à 2004, avec une reprise de la belle production montée par Graham Vick en 1999). Il semble néanmoins que l’on ait évité le pire, puisqu’il avait d’abord été question de transposer l’action dans une navette spatiale : peut-être faut-il alors remercier Claus Guth d’avoir mis sur orbite La Bohème à Bastille…

S’appuyant sur les innombrables références à la vue et à la cécité, au son et au silence, Herheim présente un univers où chacun fuit la réalité, soit en s’abîmant dans la contemplation de peintures, soit en refusant de voir et d’entendre (au moment même où les personnages s’enjoignent à regarder ou à écouter). L’idée est judicieuse, mais il est dommage qu’elle soit appliquée ad nauseam : non content de se mettre la main devant les yeux, Pelléas finit carrément en Œdipe aux yeux crevés et sanguinolents, Mélisande en fait autant – l’on se rappelle alors qu’elle semblait, à la toute première scène, avoir comme une traînée de sang sur les joues – et l’on atteint le grand-guignol quand Pelléas mort surgit d’une trappe pour tenter d’infliger le même sort à Golaud. A ce symbolisme outrancier (pourquoi faire apparaître à une fenêtre un Christ en Bon Pasteur quand Arkel dit à Mélisande « c’est toi maintenant qui vas ouvrir la porte à l’ère nouvelle que j’entrevois » ?) s’oppose un réalisme incongru : fallait-il vraiment qu’Arkel prenne un bain de pied en chemise de nuit pendant que Geneviève lui lit la lettre de Pelléas ? fallait-il que Golaud revenant de la chasse s’arrache du ventre un objet contondant, avec force grognements sonores ? Quant à situer toute l’intrigue dans la salle d’orgue du manoir de Glyndebourne vers 1900, cela ressemble fort à l’application peu inspirée d’une recette qui a pu, ailleurs, donner de tout autres fruits (on pense à la Villa Wahnfried reproduite sur le plateau de Bayreuth pour Les Maîtres chanteurs monté l’été dernier par Barrie Kosky, ou pour le Parsifal jadis signé… Stefan Herheim). La famille Christie a peu à partager avec celle d’Arkel, même si Herheim invoque les origines « exotiques » d’Audrey Mildmay, épouse de John Christie, revenue en Angleterre après un détour par le Canada. Quant à nous montrer, dans les dernières secondes, des spectateurs (des années 1930 ?) entrer dans ladite salle vidée de ses habitants, à quoi bon ?


© Richard Hubert Smith

Dans ces conditions, face à un « concept » plus ou moins opérationnel, les chanteurs se défendent de leur mieux, sachant que Pelléas n’est pas le genre d’œuvre où la performance vocale peut faire oublier les errances de la mise en scène. Avec sa lavallière, sa moustache et ses cheveux qui bouclent sur les oreilles, Pelléas ressemble ici à Gustave Charpentier ou à Georges Thill en Julien dans Louise (un chapeau à large bords, et ce serait Caruso en Rodolfo dans La Bohème). Don Giovanni apprécié, John Chest lui prête une voix de baryton capable de s’élever jusqu’aux notes les plus aigues du personnage ; et par bonheur, son français est excellent. Mêmes qualités de diction chez Christine Gansch, récemment Papagena à Paris : la soprano autrichienne propose une Mélisande sensuelle et animée, joueuse et rieuse, à cent lieues des créatures froides et désincarnées qu’on a parfois pu voir. Karen Cargill se tire très habilement de l’épisode de la lettre, mi-lue, mi-récitée de mémoire, et l’on ne reprochera à la mezzo écossaise que d’être visiblement trop jeune pour être la mère des deux frères rivaux. Côté maîtrise de notre langue, on se situe un cran en dessous avec le Golaud de Christopher Purves, mais l’on s’incline avec respect devant l’acteur : même si le personnage imposé par la mise en scène ne paraît pas toujours très cohérent (pourquoi assiste-t-il à la scène de la tour, en faisant signe à Mélisande de se taire ?), sa maîtrise des demi-teintes lui permet de chuchoter, voire de parler certaines répliques, sans tomber dans le détimbrage au dernier acte. La palme du moins bon français revient à Brindley Sherratt, Arkel au timbre somptueux mais à l’aigu parfois difficile. Seule francophone de la troupe, Chloé Briot propose ici l’Yniold qu’elle a déjà chanté en maint endroit. Pelléas est peintre à ses moments perdus, son neveu Yniold arpente presque constamment la scène muni de son carton à dessin, soit ; mais pourquoi diable, à la fin du troisième acte, Golaud déculotte-t-il son fils, qui se révèle en outre avoir une longue chevelure digne de Mélisande dès qu’il lui ôte sa casquette ?

Dans la fosse, Robin Ticciati propose une interprétation très symphonique, dans le prolongement de La Mer qu’il a enregistrée (un disque Linn Records, où l’œuvre de Debussy était complétée par le Pelléas et Mélisande de Fauré). Un peu plus de théâtre ne serait pas de refus, mais sans doute aurait-il fallu que la proposition scénique soit elle aussi de nature à susciter davantage l’adhésion.

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Opéra en cinq actes, livret d’après la pièce de Maurice Maeterlinck

Créé à l’Opéra-Comique le 30 avril 1902

Détails

Mise en scène

Stefan Herheim

Décors et costumes

Philipp Fürhofer

Lumières

Stefan Herheim, Tony Simpson

Dramaturge

Alexander Meier-Dörzenbach

Mélisande

Christina Gansch

Pelléas

John Chest

Golaud

Christopher Purves

Arkel

Brindley Sherratt

Geneviève

Karen Cargill

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