En ce début d’automne, Haendel est à l’honneur dans les salles parisiennes. Vendredi dernier, Rinaldo, son premier opéra londonien, était donné aux Théâtre des Champs-Élysées.
Pour reprendre les termes de ma voisine, « Rinaldo, c’est vraiment de la belle musique » et en effet, ce lieu commun n’est pas dénué de vérité : pendant les trois heures de concert, la musique agit avec une séduction constante. Les extraordinaires mélodies se succèdent, évoquant là les batailles victorieuses, ici les épanchements amoureux. Le pari de donner un opéra de trois heures en version de concert est risqué et c’est sans doute la raison pour laquelle des coupures de récitatifs et d’airs ont été faites. C’est regrettable pour une œuvre aussi foisonnante. La fin justifie sans doute les moyens et personne n’a dû s’assoupir car les tempi du chef Ottavio Dantone étaient rapides et son orchestre l’Accademia Bizantina a suivi, toute à son aise. Pour ceux qui comme moi auraient encore la version de Jean-Claude Malgoire dans l’oreille, le changement est profond !
Initialement prévu pour la grande contralto italienne Sonia Prina, comme indiqué dans le programme de saison, le rôle titre a finalement été confié à la mezzo Varduhi Abrahamian. On a d’abord cru avoir perdu au change à cause d’une attitude tout (trop !) en retenue, d’un certain manque de charisme et d’une voix un peu resserrée. Mais la soirée avançant et les applaudissements ayant réchauffé l’atmosphère ont permis à la cantatrice de déployer une voix agile, chaude et d’afficher un caractère beaucoup plus affirmé, bref un Rinaldo comme on se l’imagine, avide de victoire et de triomphes à l’image du « Or la tromba in suon festante ». L’Almirena de Maria Grazia Schiavo a été interprétée avec beaucoup de sensibilité. On peut cependant regretter certaines ornementations outrancières et pas toujours de très bon goût comme dans le célèbre « Lascia ch’io pianga ». Ceux qui auraient en mémoire le compte rendu de l’Ariodante de Beaune en juillet dernier pourraient accuser l’auteur de ces lignes de tomber trop systématiquement sous le charme de Karina Gauvin. Ce vendredi, en effet, c’est elle une fois encore qui a illuminé la soirée de sa présence. Qu-il s’agisse d’exprimer la fureur dans le « Furie terribili » ou l’ambivalence des sentiments dans l’air « Ah ! crudel » à la fin du deuxième acte, l’interprétation était, comme toujours, d’une grande justesse : la virtuosité se met chez elle au service de l’expression de sentiments vrais. Quant au baryton Alain Buet au timbre profond, le rôle d’Argante lui sied à merveille : virtuose dans « Sibillar gli angui d’Aletto », il a su déployer une veine comique irrésistible dans la pseudo scène de ménage et de réconciliation avec Armide au troisième acte. Enfin, le jeune contre-ténor Christophe Dumaux chante les deux rôles qui lui ont été confiés, Goffredo et Eustazio, avec brio.
La saison consacrée par le TCE à Haendel s’ouvre ainsi sur une incontestable réussite, qui nous fait attendre avec impatience la suite des réjouissances.