Spectacle en création au théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Orfeo 5063 se propose de revisiter certaines des œuvres de Monteverdi en les « transposant dans une installation vidéo immersive ». Jérôme Correas et ses Paladins ont collaboré avec Guillaume Marmin et sa maîtrise des arts numériques.
Le corpus de partitions choisi interroge. Il ne s’agit donc nullement d’une réduction de l’Orfeo en extraits mais d’un assemblage de quatre œuvres de Monteverdi (L’Orfeo, le Couronnement de Poppée, Les Vêpres à la Vierge et les Madrigaux) partagés en quatre parties thématiques (Adieu à la terre, De Profundis, Eurydice, Inferno). Certes on comprend vite que ce qui est recherché ici c’est surtout la texture du langage musical, les tessitures mobilisées, les couleurs vocales et instrumentales… le tout devant former une manière de continuo. Pourtant malgré l’absence de surtitrage, il est aisé d’entendre surgir le nom de « Poppea » dans cette déambulation normalement calquée sur celle d’Orphée ou encore de sentir les disparités entre les pages opératiques et leur théâtralité, à l’opposé de la liturgie des pièces sacrées. Cette mélopée, qu’assez peu de ruptures viennent ponctuer, opère comme une bande son envoutante accompagnant la dynamique des images de Guillaume Marmin. De grands plans séquences, filmés en ultra haute définition au drone, illustrent un parcours symbolique à travers des panoramiques de montagnes enneigées, des dessins de Lascaux, un musée subaquatique (étrangement retenu pour accompagner le « pur ti miro » conclusif du Couronnement de Poppée), de la statuaire antique etc. Sur scène, des néons installés en forêt autour de l’orchestre produisent de beaux effets de lumières sur une mer de fumée lourde qui ajoute à l’irréalité de cet univers musical et visuel. On comprend que cet assemblage se veut un labyrinthe sensoriel de la quête d’Orphée sans toutefois pouvoir le suivre avec certitude bien souvent. C’est finalement la vidéo de chiens de défense enchainés, dont les aboiements viennent couvrir le chant, qui raccrochent le spectateur au désespoir du poète, impuissant face aux créatures des Enfers. A défaut de sens évident, on se satisfait la plupart du temps de voir de belles images sur de la belle musique, sans tomber dans les excès New Age d’un Bill Viola.
© Guillaume Marmin
Car la musique est belle et remarquablement bien servie. Les Paladins se coulent avec délicatesse dans chacune des pages sous la direction précise et fluide de Jérôme Correas. Le plateau vocal bénéficie d’une belle homogénéité et de voix bien différenciées. A la basse sombre mais chaleureuse de Matthieu Heim répond la clarté éthérée de la haute-contre Jean-François Lombard. Antonin Rondepierre hérite des pages dévolues à Orphée qu’il sert avec poésie et un timbre charnu. Jordan Mouaissia se différencie sans mal grâce à une voix plus claire et à un legato léché. Enfin Jehanne Amzal et Anne-Sophie Honoré brillent dans le dialogue permanent des sopranos : duo final du Couronnement, « magnificat »… elles distillent nuances et piani avec un bonheur constant.
Si cette création nous interroge, il faut noter l’accueil chaleureux qu’elle a reçu en ce soir de première au théâtre de Saint-Quentin en Yvelines. Un public largement constitué de scolaire (certain munis de rehausseurs de siège !) dont on a senti la concentration et l’intérêt. Pari gagné ?