Seconde œuvre du cycle « Liberté et Destin » choisi par Pier-Luigi Pizzi pour cette nouvelle édition du Festival de Macerata, Rigoletto commence sous un ciel menaçant bien en situation, mais doit être arrêté après vingt minutes en raison de la pluie ; la représentation reprend néanmoins après une heure trente d’un véritable déluge. Le jeune chef d’orchestre véronais Andrea Battistoni (23 ans), annoncé comme l’une des valeurs montantes de demain, continue ses travaux pratiques notamment à Macerata et à Verona, et bientôt à la Scala. Sa direction, relativement lente, a l’avantage d’éviter certains côtés « flon-flon » de la partition. Si elle ne pose pas de problème particulier aux chanteurs en raison de la qualité de la distribution, elle n’en est pas moins parfois lassante. Son souci du détail entraîne souvent des décalages. Des petites pertes de contrôle de la situation ne permettent pas de vraiment déceler, pour le moment, une personnalité d’exception.
La mise en scène de Massimo Gasparon est hyper classique et au premier degré avec de magnifiques costumes. L’œuvre est respectée scrupuleusement sans trop d’anachronismes ni de dérapages ; le décor sur tournette, simple et efficace, a pour principal avantage de bien renvoyer les voix. Les éclairages sont comme à l’accoutumée d’une belle qualité.
C’est donc au plateau qu’il revient de défendre le chef d’œuvre de Verdi, et de ce côté, le triomphe – bien rare aujourd’hui – que lui a réservé le public nullement démotivé par la longue attente, est largement mérité. Giovanni Meoni est un Rigoletto particulièrement intéressant ; bien sûr, l’espace, beaucoup plus réduit qu’à Vérone, ne lui impose pas des effets exagérés, et son interprétation est donc sans les excès que l’on peut souvent observer. Il défend la grande tradition du baryton verdien « à l’italienne », et construit son personnage d’une manière particulièrement humaine ; la voix est chaude et unie, là aussi pas d’effets inutiles : la musicalité est omniprésente, laissant entrevoir le rôle sous un aspect très naturel d’homme et de père blessé, prisonnier du destin.
On ne présente plus Désirée Rancatore, jeune diva habituée des plus grandes scènes internationales. Sa Gilda est un intéressant mélange d’ingénuité, de naïveté et de volonté ; le chant est toujours aussi beau, puissant et précis, et l’interprétation constamment nuancée. Elle donne à ce rôle un peu rabâché une nouvelle et sympathique jeunesse.
Le duc de Mantoue d’Ismael Jordi (le récent Chanteur de Mexico du Châtelet, reconnu comme grand spécialiste des zarzuelas), très présent se place au niveau des deux précédents interprètes. Si toutes les appogiatures ne sont pas toujours présentes, il a la stature du rôle. Seul bémol, le personnage qu’il construit est un peu trop sympathique.
Les seconds rôles ne sont pas toujours au niveau de ces magnifiques têtes d’affiche, en dehors de la Giovanna d’Annunziata Vestri. Le Sparafucile d’Alberto Rota peine à trouver une consistance, et n’a pas la régularité vocale nécessaire ; quant à la Maddalena de Tiziana Carraro, elle est vulgaire à l’excès, tant vocalement que scéniquement.