On était inquiet. Après sa défaillance d’ il y a huit jours à Vienne, où il n’avait pu finir Nabucco, Plácido Domingo serait-il là ? Serait-il en forme ? Certains l’avaient déjà enterré.
Eh bien, nous pouvons vous affirmer qu’il fut bien présent à Monaco. Et qu’il a fait sensation.
Il était là, le roc, le maître, le patriarche, l’inusable ténor devenu baryton ! Et le public, admiratif, buvait son chant avec ferveur. Il était vibrant, puissamment expressif, avec des aigus solides, une vaillance sans défaut – et, à la fin, deux bras qui s’ouvraient pour recueillir les bravos de la salle.
Il est vrai que le spectacle intitulé « Nuit espagnole », composé d’airs de zarzuelas, sollicitait moins d’efforts de sa part que les grands airs d’opéras. Ces airs de zarzuelas étaient, il faut le dire, d’un inégal intérêt, et même, parfois, d’une pauvre banalité – d’autres d’une sensibilité désuète qui nous réchauffait le coeur. Il les défendit tous avec panache et conviction, changeant de costume au gré des personnages d’amant, de noble ou d’aventurier qu’il interprétait. Le public, à la fin, lui fit une standing ovation.
Domingo pendant la Nuit espagnole © Photo Alain Hanel
Dans ce spectacle, qui avait été vu il y a trois ans aux Chorégies d’Orange, le grand Domingo partageait la scène avec deux autres chanteurs : une soprano au vibrato exagéré et aux aigus forcés, Saioa Hernandez, et un ténor de premier plan, plein de charme et d’élégance, Ismael Jordi. Il fit quelques duos avec eux, qu’il domina de sa personnalité.
Des images vidéo de paysages espagnols défilaient sur grand écran, mais la longueur des intervalles entre les tableaux coupait le rythme du spectacle.
Le fameux Ballet espagnol d’Antonio Gades était là, lui aussi. Les danseurs y ont le dos cambré, le talon rageur, et font crépiter les castagnettes, les bras levés. On avait devant nous l’image de l’Espagne triomphante, l’Espagne colorée et amoureuse – l’Espagne, aussi, qui, on l’a oublié, régnait sur Monaco au temps de Charles Quint. Les ancêtres de Domingo y exerçaient une peu placide souveraineté !
L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo fut dirigé sans flamme excessive par Jordi Bernacer.
Cette soirée de gala se tenait dans le cadre de la Fête nationale monégasque en présence de la famille princière, le public étant tenu d’être en habit de soirée, uniforme ou smoking. Port des décorations recommandées. On a le sens et le souci des traditions à Monaco. Total respect !
Ces derniers jours, une question avait agité la Principauté : la Princesse Charlène serait-elle là ? En définitive, elle fut absente. Mais il en est un qui, lui, fut là, bien là, acclamé par tous, superbe et infatigable : notre Plácido Domingo ! On en fut fort heureux…