On ne présente plus la production de l’Elisir d’amore de Laurent Pelly, maintes fois chroniquée sur notre site. Cette nouvelle série devait être l’occasion de réentendre Rolando Villazon dans le rôle de Nemorino, mais le ténor mexicain a finalement renoncé à se présenter au public, remplacé ce soir par Liparit Avetisyan, alternant avec Ivan Magrì. Le jeune ténor arménien ne dispose pas de moyens particulièrement impressionnants : la projection est limitée et le chanteur est plus à l’aise dans ses solos que dans les duos ou les ensembles où sa voix est couverte par celle de ses partenaires. Le timbre, chaud, est plutôt personnel, mais l’aigu manque de brillant et la voix semble un peu poussée dans ses retranchements. Passée la déception des premières mesures, le chanteur fait mieux que tirer son épingle du jeu par son abattage proprement sensationnel, une caractérisation drôle, humaine et jamais caricaturale, qui finit par forcer la sympathie. Enfin, la « Furtiva lagrima » est offerte avec une belle musicalité. A ses côtés, Pretty Yende est une Adina pétulante, avec une belle projection, une belle agilité dans le suraigu (et quelques contre-notes inédites !), mais le timbre manque un peu de couleurs. Le Belcore de Paolo Bordogna est suffisant à souhait, ridiculement sympathique mais sans excès. La voix est puissante et riche, mais l’intonation parfois un peu relâchée. Dans un rôle habituellement incarné par des caractères jouant les vieux barbons, Alex Esposito surprend : il est exceptionnel de voir ce rôle interprété par un jeune chanteur, et cette incarnation rend plus crédible la scène de demi-séduction de son duo avec Adina. La voix est sûre et puissante, avec l’agilité nécessaire. Une vraie réussite. La Giannetta de Vlada Borovko est sympathique et bien chantante, mais la projection insuffisante pour qu’on la distingue des artistes du choeur dans les ensemble, ce dernier nous ayant pas paru particulièrement sonore.
La direction de Bertrand de Billy est pleine de verve : sans doute un des tempos les plus rapides qu’il nous ait été donné d’entendre, avec un orchestre parfaitement en place. Cette vivacité accentue le caractère ébouriffant de cette « folle journée » et contribue à la réussite de cette soirée très bien accueillie par le public. Si le belcanto n’y trouvait pas tout à fait son compte, la comédie était en revanche particulièrement bien servie.