Sur la Côte d’Azur, le printemps s’est installé. Le mimosa est en fleur, les citronniers ploient sous le poids des fruits. En se rendant à Monaco, on voit la mer scintiller sous une lumière qui annonce la saison nouvelle. C’est en ces circonstances que nous sommes allés entendre le… Voyage d’hiver.
Ce cycle de Lieder de Schubert, qui est parmi les plus bouleversants de l’histoire de la musique, était chanté par l’un de ses plus grands interprètes, Matthias Goerne.
On perçoit au long de cette œuvre toute la mélancolie de Schubert – cet homme mort à 31 ans qui, toute sa vie, a recherché l’amour et a rencontré la mort.
Vingt quatre Lieder s’enchaînent, allant de la sublime douceur de « Gute Nacht » (« Bonne nuit ») à la totale douleur du « Leiermann » (« Joueur de vielle »).
Matthias Goerne, qui chante ce cycle depuis deux décennies, qui l’a enregistré plusieurs fois, le connaît par cœur, dans ses moindres inflexions. Il est émouvant à entendre et fascinant à voir.
Sa voix de velours suit les méandres de la musique, passe en un instant du murmure à l’éclat, nous emporte dans une sorte de rêve. Variant ses intonations, il donne vie à de multiples personnages, comme si on était dans un opéra.
Tout en chantant, il semble sous l’emprise d’un envoûtement. Il faut voir ce bon géant dessiner de sa main la courbe de la musique, se hisser sur la pointe des pieds pour accompagner une note aiguë, s’accouder sur la caisse du piano dans un mouvement de recueillement. Prenant en lui toute la douleur contenue dans ses Lieder, on le voit tituber comme un fauve blessé. Il nous joue la mort de Boris sur les harmonies de Schubert ! Fascinant spectacle !
Au piano, Markus Hinterhäuser, est un accompagnateur parfait. Il a une sonorité qu’on pourrait qualifier de « son Schubert ». Il suit le chanteur dans toutes ses inflexions, ses rubatos, ses colères. Voilà de vrais compagnons de voyage.
Quel bel hiver nous avons passé !