Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Idomeneo Rè di Creta
ossia Ilia ed Idamande
« Dramma per musica » en trois actes de l’Abbé Giambattista Varesco,
d’après le livretde Antoine Dauchet pour l’opéra de André Campra Idoménée (1712),
lui-même tiré de la tragédie Idoménée (1705) de Crébillon Père.
Création le 29 janvier 1781 au « Cuvilliés-Theater » de Munich.
Mise en scène, Décors et Costumes, Yannis Kokkos
Dramaturgie, Anne Blancard
Lumières, Patrice Trottier
Idomeneo : Chad Shelton
Idamante : Frédéric Antoun
Ilia : Judith Van Wanroij
Elettra : Marina Rebeka
Arbace : Jesus Garcia
Gran Sacerdote : Alexandre Swan
Voce dell’Oracolo : Jan Stava
Chœur de l’Opéra national de Lorraine
Chef de Chœur, Merion Powell
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale, Kirill Karabits
Nouvelle production
en coproduction Opéra national de Lorraine à Nancy — Opéra national de Bordeaux
Nancy 24/06/2009
La perfection vocale
Eclatante conclusion de saison à l’Opéra national de Lorraine, avec une distribution vocale en tout point époustouflante. Il n’en fallait pas moins pour endurer un ouvrage long (on coupla en plus les actes I et II !), aux airs moins évidents dont l’intérêt est disputé par un orchestre bavard (qui donc trouva si juste formulation ?), lassant au possible. Après tout, ce bon Pierre Petit (son âme puisse-telle néanmoins voguer dans les félicités célestes) avait bien décrit le fabuleux Roberto Devereux d’Aix-en-Provence en 1977, comme « un monument d‘ennui » !
La mise en scène sobre et procédant par ombres et projections plus ou moins évocatrices, donne une vie à l’histoire, déjà légendaire et entremêlée d’intervention divine… Un curieux mélange de suggestivité évidente et de symbolisme, comme ce roi couronné mais aux pieds nus ! Que ne voit-on plus de couronnes aujourd’hui, comme si les metteurs en scène avaient honte d’afficher ce symbole, vain évidemment, mais qui « fonctionne » dans la représentation du personnage, dans la convention du genre opéra, faite de clichés suggestifs-représentatifs assoiffés de prestige, pour les « bons » comme pour les « méchants ».
L’exécution musicale était excellente, nous l’avons dit. A commencer par l’Ilia de Judith Van Wanroij, au superbe timbre limpide, attaquant ses airs d’une rare manière éthérée, d’une délicatesse remarquable dans l’émission, pourtant timbrée et chaleureuse. Dans la charmante salle rococo on chuchotait néanmoins que le public avait une préférence pour l’Elettra de Marina Rebeka. Cela n’avait rien d‘étonnant à notre époque où tout doit « bouger », où tout effet doit être vif, coloré, spectaculaire, exacerbé, extrême… En fait c’est la complémentarité qui fait la richesse d’une interprétation, Marina Rebeka offrant un timbre plus sonore, plus percutant, en accord avec le personnage et son écriture vocale voulue par Mozart, même si l’on constate, comme pour Judith Van Wanroij, toujours une pureté de timbre, une « uniformité » appréciable dans les sons.
L’Idomeneo de Chad Shelton imposait par ses graves impressionnants, et si l’aigu « se rétrécit » et vibre, il vibre de manière touchante car expressive. A l’aise dans les vocalises, il ne lui manquait plus qu’une plus effective fluidité dans la prononciation de l’italien. Frédéric Antoun était un suave et touchant Idamante (on serait curieux d’entendre son Lord Arturo Talbot dans I Puritani…), et Jesus Garcia complétait un beau tableau masculin avec Arbace, personnage un peu en retrait mais comportant un morceau de soliste.
Les rôles secondaires, comme les choeurs, participaient à la belle réussite globale et le chef Kirill Karabits se montrait attentif à coordonner un orchestre envahissant — Mozart oblige — et à stimuler un chant alternant poésie rêveuse un peu précieuse et un certain pouvoir dramatique.
Yonel Buldrini