A l’occasion de la rediffusion en streaming de La fanciulla del West (visible du 27 juillet 01h30 heure de Paris jusqu’au 28 juillet 00h30 sur le site du MET), nous vous proposons de relire ci-après le compte rendu de la représentation du 17 octobre 2018.
C’est quelque chose de symboliquement touchant que d’assister à une représentation de La fanciulla del West au Metropolitan Opera House, commanditaire et créateur de la partition en 1910. Bien qu’il ne soit certainement pas l’ouvrage le plus connu de Puccini, ce western lyrique s’est tout de même ménagé une place de choix au cœur de la saison new-yorkaise. Il n’est donc pas surprenant de le voir servi par une distribution de haut vol, qui conjugue des protagonistes stars à une belle brochette de seconds rôles.
Avec une absence notoire d’airs aisément repérables, la Fanciulla est un casse-tête à distribuer, tant les interventions des différents personnages sont découpées en de nombreuses exclamations, interjections ou dialogues, dans un feu d’artifice vocal qui rappelle Falstaff ou le deuxième acte de La Bohème. C’est donc à chacun des chanteurs de trouver le juste milieu entre style récité et beau chant.
© Ken Howard / Met Opera
Question lyrisme, le baryton Oren Gradus se sert de la complainte de Jake Wallace pour s’assurer un succès bien mérité. Encore plus remarquable est la prestation pleine de style et de noblesse de Michael Todd Simpson en Sonora, chez qui un timbre brillant répond à une belle incarnation scénique. Carlo Bosi ne sacrifie pas au chant trop aigrelet que le ténor bouffe de Nick requiert d’habitude. Ici aussi, la prestation vocale est de haut rang, tout comme les débuts de James Creswell en Ashby, très à l’aise musicalement et scéniquement.
Željko Lučić donne à son Jack Rance des allures bienvenues de Scarpia, concentrant toute la hargne du personnage dans son timbre noir et maussade. On craint quelques fatigues dans le début de la prestation, mais un deuxième acte survolté chasse tous les doutes possibles. Attendu depuis quatre ans (après tant d’annulations et de rebondissements dans son actualité new-yorkaise), Jonas Kaufmann fait avec Dick Johnson son retour au Met. La voix semble ici aussi sur la réserve par endroits, ne passant pas nécessairement le bouillonnant orchestre de Puccini. Mais cette économie ne rend que plus visible les véritables éclats de lyrisme du rôle, et les soupirs de la déclaration d’amour du premier acte fendraient le cœur du plus invétéré de ses détracteurs. Eva-Marie Westbroek trouve avec Minnie un rôle à la taille de ses moyens vocaux. Ne souffrant d’aucune faiblesse sur l’ensemble de sa tessiture (quels graves !), elle incarne une jeune femme passionnée, dont la présence scénique rayonne dans tout l’ouvrage.
La direction musicale de Marco Armiliato dévoile un Orchestre du Metropolitan en grande forme. On retrouve enfin le lyrisme qui nous faisait défaut dans Samson et Dalila, sans pour autant perdre la souplesse si chère à l’orchestre de Puccini. Gageons à l’inverse qu’un peu plus de réserve aurait été bienvenue pour mieux faire passer les chanteurs, notamment dans le duo Dick/Minnie du deuxième acte. La prestation tout à la fois virtuose et éloquente du chœur d’hommes du Metropolitan est également à saluer.
Avec le raté de la veille dans Samson et Dalila, il y avait beaucoup à craindre de la mise en scène de Giancarlo del Monaco. C’est finalement avec enthousiasme que l’on accueille cette proposition, pourtant ultra-classique. Pas de transposition, pas de lecture peu conventionnelle des personnages, pas d’originalité folle dans les décors et les costumes, mais il faut reconnaître que cela fonctionne. C’est principalement une direction d’acteur virtuose qui est le point fort du spectacle, avec un premier acte remarquable dans sa gestion du rapport entre les solistes et le chœur.