Amis rossiniens, vous pensiez que La donna del lago, opéra sérieux d’un compositeur que l’on réduit trop souvent au Barbier de Séville, racontait les amours finalement heureux d’Elena et de Malcom. Vous aviez tort. Devenue une de ces petites vieilles à la blouse en nylon fleurie que l’on voit dans les films de Paolo Sorrentino, la Dame du lac réalise qu’en fait elle n’aimait pas Malcom mais Uberto, et se remémore l’histoire à la lumière de cette révélation. Faut-il saluer l’imagination de Damiano Michieletto pour enjoliver un livret à la trame convenue ou regretter qu’une fois de plus l’idée de départ ne finisse par polluer la mise en scène et complique sa lisibilité ? Restent « la magnificence et la pertinence » des lumières et des décors relevées par Brigitte Cormier dans son compte rendu de la création en 2016 à Pesaro de cette production. Le public liégeois, en accueillant par des huées le metteur en scène et son équipe, ne semble pas avoir trouvé la proposition à son goût. Vox populi…
De Pesaro subsiste également la direction musicale de Michele Mariotti, un des enfants du ROF (ennuyeux acronyme pour désigner le Rossini Opéra Festival), tombé dans la marmite Rossini dès son plus jeune âge, le mieux à même de conduire l’œuvre sur les sentiers encore incertains du romantisme naissant. L’Orchestre et les chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège obéissent à cette direction exemplaire, sans décalage – l’un des risques d’une musique dont la précision rythmique est clé –, sans faux pas, sans non plus rivaliser d’une éloquence propre à justifier le surnom d’il Tedeschino donné à Rossini par ses contemporains.
© Opéra Royal de Wallonie-Liège
Autres rescapés de Pesaro, Simon Orfila en inévitable Douglas et Salomé Jicia, Elena au vibratello envahissant, dont l’interprétation terne ne correspond pas à ce que l’on peut attendre d’un rôle composé à l’intention de la flamboyante Isabella Colbran.
Maxim Mironov retrouve Uberto, dix ans après l’avoir enregistré dans ce qui constitue une des références discographiques de l’ouvrage. La voix, désormais plus large et nous semble-t-il plus puissante, a conservé la souplesse nécessaire pour ciseler les innombrables coloratures du rôle. L’émission haute confirme le classement dans la catégorie contraltino en un juste contraste avec le ténor barytonnant de son ennemi juré, Rodrigo.
Sans se départir d’une réserve préjudiciable à sa présence, Sergey Romanovski, après Don Carlos à Lyon en mars dernier, revient à ses premiers amours rossiniens avec tout ce que ce que le chef des Highlanders impose d’éclat et de maîtrise des écarts, du grave au suraigu stupéfiant.
Les deux rivaux s’effacent cependant devant Marianna Pizzolato, tendre Malcolm, au chant égal et long, au timbre onctueux comme un chocolat chaud, à la vocalise fluide, dont on comprend sans mal qu’Elena veuille l’épouser, n’en déplaise à Damiano Michieletto, qui aurait voulu le mari cocu.