Alors que la création de la Damnation de Faust fut un échec à Paris, cet ouvrage rencontra immédiatement le succès à Berlin et continue d’être considéré ici comme une œuvre majeure du compositeur. Il faut reconnaître que la récente mise en scène de Christian Spuck au Deutsche Oper est assez convaincante pour faire oublier l’absence de construction narrative cohérente et le défaut de ressort dramatique de l’ouvrage propres à en faire un véritable opéra.
La scénographie met l’accent sur l’aspect féérique de l’œuvre. L’omniprésence des forces de la nuit – que ce soit par l’apparition de créatures surnaturelles ou par la frénésie de ballets endiablés – constitue le fil rouge qui vient pallier l’absence de trame dans le déroulement de l’histoire. Le climat fantomatique qui se dégage du plateau trouve un écho dans les prestations des autres acteurs de la soirée.
Le chœur tout d’abord est en tout point remarquable. Tant par le nombre que par la subtilité de ses interventions, rendues pour le moins discrètes par l’utilisation d’un plateau tournant rend qui supprime tout piétinement intempestif.
L’orchestre conduit par le chef canadien Jacques Lacombe est également au meilleur de sa forme. Les pupitres surélevés de part et d’autres de la fosse donnent une pseudo-configuration de concert à la formation et renforcent l’aspect symphonique de l’œuvre tout en permettant d’apprécier au mieux les subtilités des pages orchestrales, que ce soit dans les rythmes dansants de la marche hongroise, dans les fréquents assauts du pupitre des cuivres ou dans la subtile mais lancinante complainte des harpes en fin de partition.
Samuel Youn (Méphistophélès) © Bettina Stöss
Sur le plateau on retrouve Clémentine Margaine au timbre chaud et au phrasé soigné dans le rôle d’une Marguerite totalement sous influence. Son interprétation de la romance « D’amour l’ardente flamme » traduit une grande émotion. Les deux autres rôles principaux sont tenus par les coréens Yosep Kang (Faust) et Samuel Youn (Méphistophélès) qui ont en commun d’incarner leur personnage avec un réel engagement. Toutefois on peut regretter l’absence de métal dans la voix du ténor ce qui ne permet pas à son chant de rayonner autant qu’on le souhaiterait, tandis qu’on peut reprocher à Samuel Youn une diction française très approximative qu’il tente de dissimuler sous des accentuations exagérées. Mario Mimica intervient brillamment en Brander pour la courte chanson du rat.