Apparemment infatigable, Placido Domingo poursuit son exploration du répertoire de baryton verdien. Après Simon Boccanegra et Rigoletto, le voilà qui ajoute à sa liste Francesco Foscari et, plus tard, Giorgio Germont et Nabucco ; des prises de rôle attendues respectivement en mars au Metropolitan et en avril à Covent Garden.
Ses débuts dans le rôle de Francesco Foscari remontent au mois de novembre à Los Angeles, à l’occasion d’un co-production de l’Opéra de Los Angeles – qu’il dirige -, du Palau de les Arts Reina Sofia de Valencia, du Theater an der Wien et du Royal Opera House Covent Garden.
I Due Foscari, d’après la pièce homonyme de Lord Byron est le sixième opéra de Verdi et probablement le plus sous-estimé de sa première manière. Est particulièrement notable la manière dont le compositeur parvient à insuffler à l’orchestre l’atmosphère sombre de son oeuvre, notamment par l’utilisation des vents (clarinette et basson). Le finale est particulièrement saisissant avec l’air du Doge « Questa duqne à l’iniqua mercede » et l’ensemble concertant subséquent.
Placido Domingo fut particulièrement formidable dans ce finale. Poignant en digne vieillard, consumé de chagrin par la perte de son fils injustement condamné qu’il voulut sauver en tant que père mais ne put sauver en tant que Doge – en plus, poussé à la destitution par le félon Loredano.
Un moment de grande intensité dans lequel la fougue et la grande expressivité de Domingo ne laissent personne indifférent. Il est remarquable à quel point sa voix tonitrue encore et toujours ; on lui pardonnera dès lors l’absence des couleurs les plus sombres typiques d’une vraie voix de baryton et un passage difficile dans le bas registre. Guanqun Yu, la soprano chinoise – lauréate en 2012 du concours Opéralia lancé par Domingo lui-même – fut une remarquable Lucrezia Contarini. Elle allie à un voix pleine, magnifiquement timbrée, homogène et souple, un réel engagement scénique.
Ivan Mageri prête sa solide et lumineuse voix de ténor au rôle de Jacopo Foscari dont l’interprétation manque parfois d’un peu de finesse alors que Gianluca Buratto campe un Loredano vénéneux grâce à son imposante voix de basse. Les plus petits rôles donnent satisfaction et le choeur est irréprochable. Omer Meir Wellber, le jeune directeur musical de l’Orquestra de la Communita Valenciana dirige un orchestre remarquable avec élan et passion.
Il n’y a malheureusement pas grand chose de positif à retenir de la mise en scène de Thaddeus Strassberger. Certes, I Due Foscari est une pièce sombre, mais doit-on pour autant s’accommoder d’un décor insignifiant en noir de gris flanqué d’un ponton et d’une cage faisant office de prison ? Sur le pont défilent les dames du choeur, dans la geôle croupit le pauvre Jacopo alors qu’à l’extérieur de la prison sont représentées des scènes de tortures. Des effets bien vains. Il n’y a pas de direction d’acteurs et ne parlons pas du choeur. Lucrezia arbore une robe somptueuse à chaque entrée en scène mais apparait, dans le finale, vêtue d’une sorte de chemisier monastique. Et pourquoi ce fouillis théâtral trouve sa conclusion dans la chambre à coucher de Francesco Foscari restera un mystère.