Voilà bientôt près de 50 ans que cette production du Barbier de Séville, signée Ruth Berghaus, est régulièrement mise à l’affiche du Staatsoper de Berlin, sans pour autant perdre de sa fraîcheur et de son dynamisme. Cette éternelle jeunesse est-elle due à la blancheur lumineuse des quatre rideaux peints tendus sur des cordes qui constituent le décor minimaliste, ou encore aux mimiques enfantines adoptées par des chanteurs alors qu’ils n’ont plus vraiment l’âge du rôle ? Le soin tout particulier qu’Achim Freyer apporte aux costumes mérite d’être souligné car ils comptent certainement pour beaucoup dans cette longévité en créant un chatoiement coloré qui se détache sur les tentures et participe à l’accentuation des caractères des personnages.
Domingo Hindoyan à la tête de l’orchestre de la Staatskapelle ménage de belles nuances dans la lecture de la partition procédant à l’impressionnants crescendo-decrescendo, de fulgurantes accélérations, magnifiant ainsi l’œuvre de Rossini dont le dernier tiers n’atteint cependant pas le niveau d’écriture du début de l’oeuvre. Il réserve par ailleurs suffisamment de libertés aux chanteurs pour que certains puissent s’abandonner à des ornementations supplémentaires.
© Monika Rittershaus
Dans cet exercice Katharina Kammerloher excelle et donne une grande leçon de vocalisation virtuose. Pourtant, et en raison de son jeu exagérément juvénile (sautillements, battements de mains…), elle ne parvient pas incarner le personnage de Rosine avec conviction. Maxim Mironov campe un comte Almaviva gracieux et délicat au timbre clair – mais peut-être trop léger pour imposer son chant, ce qui le rend un peu falot. Il cisèle cependant ses ornements à la perfection. Renato Girolami est un Bartolo plein de ressources théâtrales et vocales au point qu’il nous parait plus sympathique qu’il n’est dans cette comédie. Alfredo Daza, très à l’aise scéniquement dans les frusques de Figaro est néanmoins plus brutal que puissant et plus bruyant que sonore. Incarné par Tobias Schabel, Basilio est un ectoplasme énigmatique et fourbe qui retrouve sa superbe dans sa majestueuse cadence « la calunnia ». Enfin, Adrianne Queiroz réserve une belle surprise vocale quand Berta se mêle à l’ensemble ronflant que constitue le finale du premier acte.