Pour sa première apparition à l’affiche de l’Opéra de Toulon A Midsummer Nigth’s Dream a bénéficié des meilleurs atouts : une production dont la qualité a été signalée lors des représentations à Nancy et à Caen, une distribution très satisfaisante et surtout la direction amoureuse de Stuart Bedford, déjà interprète de Benjamin Britten du vivant du compositeur.
Le décor représente la forêt, vestige de la nature primordiale. Les humains vivent à sa lisière ; les aristocrates s’y adonnent à des jeux de société réglés comme des rites, et la plèbe à des passe-temps destinés à briller aux yeux des premiers. S’ils s’aventurent dans la forêt les humains se trouvent sans le savoir à la merci des puissances invisibles qui y résident et les observent, peuple innombrable et bariolé des fées – aux costumes extravagants – soumis à un roi et une reine aux relations tumultueuses car l’un comme l’autre n’ont d’autre loi que leur désir. Comme les humains, du reste, mais ils s’en accommodent beaucoup mieux. Obéron, s’il pousse Titania à l’erreur, n’en fait pas pour autant une faute. Mais Obéron est un bon génie, et seules les bévues de son factotum retarderont le dénouement où « tout est bien qui finit bien ».
Nous ne reviendrons pas sur l’ingéniosité de l’adaptation dramatique conçue par Britten et Pears de la comédie de Shakespeare ; on sait que le résultat de leur travail a fourni matière à Britten pour un langage musical d’une invention inépuisable, toujours en phase avec les situations, les personnages. On va de trouvailles sonores en réminiscences, parodiques ou non, d’une veine mélodique grisante ou savoureuse jusqu’aux tensions et grincements malicieux qui font de l’orchestration une suite incessante de délices. Les musiciens suivent sans faillir la direction vibrante et précise d’un chef qui adhère si intimement à l’œuvre qu’elle semble émaner de lui. Equilibres parfaits, subtilité, raffinement, c’est de la bien grande musique que Stuart Bedford a fait entendre à Toulon.
Un seul point noir, ou plutôt gris, le choix pour les parties chorales de l’effectif maison quand les voix d’une maîtrise auraient eu la fraîcheur et les couleurs désirables. A cela près, le plateau était très honorable. Côté couples, Rachid Ben Abdeslam est un Obéron bien chantant malgré une voix plutôt monochrome et Maïra Kerey, Titania efficace et désinvolte, fait bonne figure dans les agilités qui lui sont dévolues. Le ténor Jonathan Boyd et le baryton Jean-Sébastien Bou jouent à plein le jeu des rivaux amoureux , tout comme la mezzo Delphine Galou et la soprano Marjorie Muray, survoltées dans la dispute qui les oppose, sans rien sacrifier de la beauté, de la clarté et de l’expressivité du chant. Plus en retrait le dernier couple, Theseus et Hippolyta, malgré une belle tenue scénique, elle sacrifiée par la partition, lui à cause d’une voix rogue.
Le groupe des artisans n’appelle que des éloges, mais les plus favorisés par leurs rôles sont évidemment Iain Paterson, Bottom tout à la fois bonhomme et plein de son sujet et François Piolino, qui fait de Flûte incarnant Thisbé à la Isadora Duncan un hybride d’Yvette Chauviré mâtiné de Robert Hirsch. Une performance ! Sa prestation, comme celle de ses partenaires, fait rêver de ce qu’ils donneraient dans des opérettes de Gilbert et Sullivan. Enfin Scott Emerson dans le rôle de Puck le gaffeur se révèle comédien convaincant.
L’œuvre se termine, on le sait, par une fête ; elle était aussi dans la salle, dans la joie du public qui a longuement remercié les artistes, chaudement ovationnés. Une fois encore, les absents auront eu tort !