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Das Rheingold — Bayreuth

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Spectacle
27 août 2022
Une petite comédie

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Prologue du festival scénique L’Anneau du Nibelung, créé à Munich le 22 septembre 1869 et à Bayreuth le 13 août 1876 (cycle complet). Musique et livret de Richard Wagner

Détails

Mise en scène

Valentin Schwarz

Costumes

Andy Besuch

Eclairages

Reinhard Traub

Décors

Andrea Cozzi

Wotan

Egils Sillins

Fricka

Christa Mayer

Freia

Elisabeth Teige

Erda

Okka von der Damerau

Donner

Raimund Nolte

Froh

Attilio Glaser

Alberich

Olafur Sigurdarson

Mime

Arnold Bezuyen

Fasolt

Jens-Erik Aasbo

Fafner

Wilhelm Schwinghammer

Woglinde

Lea-Ann Dunbar

Wellgunde

Stephanie Houtzeel

Flosshilde

Katie Stevenson

Orchestre du Festival de Bayreuth

Direction musicale

Cornelius Meister

Bayreuth, Festspielhaus, 25 août 2022, 18h

On l’avoue volontiers, c’est avec des semelles de plomb que nous avons gravi ce jeudi la colline sacrée de Bayreuth en direction du Festspielhaus, pour le premier volet de la nouvelle Tétralogie. La presse allemande et internationale avait été si unanime dans sa condamnation de la mise en scène, le public avait fait un tel chambard en radio, que l’on craignait de voir le crépuscule du Regietheater, son dernier souffle d’agonisant, soucieux de choquer le bourgeois une derniere fois avant de disparaître pour de bon. Même les chanteurs et le chef avaient fait l’objet de contestations, leurs rangs ayant été décimés par les règles de quarantaine encore applicables en Allemagne au sujet du Covid. Dans ces conditions, l’ascension ne nous mènerait-elle pas vers un enfer musical et scénique de 15 heures ?

En ressortant du Festspielhaus deux heures et demie plus tard, dans la brise enfin fraîche d’une belle nuit d’été, le sourire aux lèvres et les oreilles en fête, nous nous sommes dit que, décidemment, il ne fallait guère se fier à ce que les autres disent d’un spectacle avant de le juger par soi-même. Et qu’on a souvent confondu l’essentiel et l’accessoire au sujet de cette nouvelle version du Ring. L’accessoire : Valentin Schwarz a choisi de transposer la saga dans l’univers des séries TV, et remplace l’anneau par un enfant. On pourra ergoter sans fin sur la pertinence de ces idées, mais ce qui compte vraiment est la façon dont le metteur en scène les met en œuvre, et là il faut bien dire que tous les reproches qui lui ont été adressés (superficialité, manque de culture, absence d’amour pour Wagner, bâclage) s’effondrent comme un château de cartes. Le propos est cohérent, et maintenu avec une pertinence qui force le respect. Le jeu d’acteur est tressé au cordeau, chaque interaction des personnages est intensément réfléchie (le triangle Wotan-Alberich-Loge en particulier), et rien n’est gratuit au sens d’une provocation. Les gags qui se multiplient sont non seulement très drôles, mais ils renouent avec l’esprit de Wagner, qui voulait que son Or du Rhin soit joué comme « une petite comédie », de même que les trilogies dramatiques de la Grèce ancienne étaient précédées d’une pièce légère.

Certes, tout n’est pas parfait, et la disparition de l’élément surnaturel peut amener au contresens dans tout ce qui a trait au Tarnhelm ou à l’arc-en-ciel. Nous n’en sommes encore qu’à la première année, et sans doute ces problèmes trouveront-ils une solution dans les prochaines éditions. Il est clair que Valentin Schwarz tient le bon bout, avec un point de vue sur Wagner qui est original, fort et très riche de possibilités. Il faudra maintenant voir si les poignants déchirements de la Walkyrie le verront aussi à l’aise. On a en tout cas l’envie nette d’en voir plus, ce qui n’est pas toujours le cas avec les metteurs en scène contemporains.

Les chanteurs sont l’autre surprise de taille de la soirée. Allaient-ils se mouvoir facilement dans le cadre tracé pour eux ? Ne seraient-ils pas découragés par l’accueil hostile du public lors des cycles donnés dans les semaines qui précèdent ? En aucun cas, et il faut saluer bien bas le professionnalisme d’artistes qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes dans des circonstances adverses, et qui se coulent dans le moule même s’il est parfois inconfortable. Commençons par les deux relatives faiblesses : les trois Filles du Rhin sont parfois fâchées avec le métronome, et n’ont pas l’ampleur requise par les lieux, même quand elles chantent ensemble. Le Wotan d’Egils Sillins a lui toutes les notes de son rôle, mais il est loin d’avoir l’étoffe d’un Roi des dieux, que ce soit en terme de noblesse de timbre, de projection ou d’autorité. Rien d’indigne cependant, et il récolte son lot d’applaudissements au rideau final. Tous les autres protagonistes sont exceptionnels, certains méritant déjà de figurer au panthéon du chant wagnérien. Le Froh châtié d’Attilio Glaser, qui fait regretter que ses interventions soient si courtes, le Donner désopilant de Raimund Nolte, qui n’oublie pas de phraser ses graves avec élégance, la Freia d’Elisabeth Teige, d’une ampleur phénoménale, qui chantait Senta la veille et à qui on peut déjà prédire un grand avenir à Bayreuth. Encore un cran au-dessus, il y a la Fricka de Christa Mayer, impayable dans son look de Callas des années 70, avec une voix qui parvient à s’insinuer dans chaque recoin de l’immense Festspielhaus, tout en gardant une intelligibilité du mot et du sens qui appartient aux tout grands. Le Fasolt de Jens-Erik Aasbo évolue aux mêmes hauteurs, ajoutant à son personnage une grosse dose de douceur, qui explique pourquoi Freia en est tombée amoureuse. Son frère Fafner trouve en Wilhelm Schwinghammer un méchant plus classique, chanté avec talent et des graves qu’on est déjà impatient d’entendre dans Siegfried. Arnold Bezuyen, vétéran du festival (débuts in loco en 1998), continue à ravir le public avec sa voix puissante, et son irrésistible jeu de scène. Okka von der Damerau confirme ce qu’elle laissait penser à Madrid, à savoir qu’elle est la meilleure Erda actuelle, et son avertissement donne le frisson. Le Loge de Daniel Kirch est sans doute le personnage qui a fait l’objet du plus grand soin de la part du metteur en scène. Transformé en entremetteur louche au style très gay, c’est lui qui doit constamment mener l’action, et renouveler l’intérêt par ses changements d’humeur. C’est peu dire que Daniel Kirch s’y emploie avec ardeur, et la simple facon dont il emploie ses mains, tantôt virevoltant dans le vide, tantôt enfoncées dans les poches de sa parka mais mobiles malgré tout, vaudrait la peine d’écrire un manuel pour les jeunes acteurs. La voix est un peu faible par moments, parfois couverte par l’orchestre, mais toujours belle et menée avec intelligence.

L’Alberich de Olafur Sigurdarson est le grand triomphateur de la soirée. Déjà, il a le physique du rôle, court sur pattes et jambes arquées. La manière dont il se déhanche est à la fois drôle et grotesque, et son personnage devient attachant à force d’excès. La voix est la plus marquante que nous ayons entendue dans ce rôle, dans quelque coin de la planète : un grain dur mais attirant, une projection qui fait que le chanteur semble être assis à côté de vous, une facon d’appuyer la phrase sur les consonnes qui rend à merveille le caractère maléfique du gnome. Tout cela culmine dans une Malédiction de l’anneau qui mériterait de figurer sur une anthologie des meilleurs moments de Bayreuth au 21e siecle. Le public du Festival ne s’y trompe pas, et c’est une marée d’applaudissements qui saluent son apparition finale, accompagnée comme il est de tradition ici par le bruit des pieds sur le parquet.


© Bayreuther Festspiele

Après un prélude et une scène du Rhin un peu ternes, l’orchestre du Festival se ressaisit dès la deuxième scène, et se met à offrir des couleurs à profusion. La battue de Cornelius Meister, un peu lente, excelle à les mettre en valeur, de même qu’il prend grand soin de ses chanteurs, les laissant de temps en temps allonger une note ou l’autre s’il les sent suffisamment à l’aise. Peut-être pourra-t-on lui reprocher une conception pas encore vraiment personnelle, mais nous ne sommes qu’aux débuts d’une aventure de cinq ans, qui s’annonce comme tout simplement palpitante.

 

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Prologue du festival scénique L’Anneau du Nibelung, créé à Munich le 22 septembre 1869 et à Bayreuth le 13 août 1876 (cycle complet). Musique et livret de Richard Wagner

Détails

Mise en scène

Valentin Schwarz

Costumes

Andy Besuch

Eclairages

Reinhard Traub

Décors

Andrea Cozzi

Wotan

Egils Sillins

Fricka

Christa Mayer

Freia

Elisabeth Teige

Erda

Okka von der Damerau

Donner

Raimund Nolte

Froh

Attilio Glaser

Alberich

Olafur Sigurdarson

Mime

Arnold Bezuyen

Fasolt

Jens-Erik Aasbo

Fafner

Wilhelm Schwinghammer

Woglinde

Lea-Ann Dunbar

Wellgunde

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Bayreuth, Festspielhaus, 25 août 2022, 18h

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