On n’y pense pas assez mais l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, tout comme La Péniche Opéra d’ailleurs, constitue une bonne solution à qui veut sortir du circuit lyrique habituel à Paris : Garnier, Bastille, Favart, Champs-Elysées, Pleyel. Le mélomane averti n’y trouvera pas des œuvres de la même ampleur mais gagnera en contrepartie une intimité que les grandes salles parisiennes lui avaient fait oublier. Il s’y joue un répertoire moins exploré, entre musique légère et de chambre, qui élargira son champ de connaissance et parfois son oreille. Question de curiosité, de plaisir aussi tant souvent les pièces présentées ne se prennent pas au sérieux et qu’il est bon de rire.
Sourire devrait-on plutôt écrire à propos de L’Opéra de quatre notes de Tom Johnson. Le premier des ouvrages qui composent la saison lyrique 2008-2009 de l’Athénée(1) n’est pas une bouffonnerie qui prête à s’esclaffer même s’il ne manque pas d’humour. Il n’est pas non plus un exercice de style contrairement à ce que pourrait laisser penser l’idée de départ : 4 notes – la, si, ré, mi – 5 chanteurs, un par genre vocal – soprano, contralto, ténor, baryton, basse – et, pour livret, une mise en abyme. Sur scène, pendant une heure et quart, les chanteurs chantent ce qu’ils pensent. Le Ténor regrette de ne pas pouvoir étaler son aigu ; le Contralto, un mezzo en fait, essaie de ne pas perdre le « la » ; la Basse ne fait que passer même si « sans lui, ça ne serait pas pareil » ; le Baryton compte les mesures et la Soprano ne dit rien ; elle repose sa voix ! Le tout sous forme d’arias, duos, trios, quatuor et chœur, comme à l’opéra.
Idée amusante, séduisante, qui trouve cependant ses limites dans le manque d’épaisseur humaine des personnages, plus archétypiques que sensibles, et dans la transcription musicale. L’écriture ne manque ni de science, ni d’habileté mais avec ses longueurs voulues (l’air du Baryton, la scène finale), ses silences, ses cellules répétées, ses accords à vide, et un seul piano pour l’exprimer, elle paraît souvent aride. La mise en scène de Paul-Alexandre Dubois – le Baryton de la pièce – sert le propos avec les moyens du bord. Le pianiste Denis Chouillet, délicieusement sadique, prend part à l’action tout en gardant le contrôle d’un mécanisme musical à la précision horlogère. Les interprètes se montrent comédiens autant que chanteurs ; diseurs aussi, c’est indispensable dans ce genre d’ouvrage où comprendre le sens des mots est essentiel et où l’exigence vocale reste relative. Les voix graves – Paul-Alexandre Dubois (le Baryton), Eva Gruber (Le Contralto) impayables l’un et l’autre dans le registre « pince sans rire », Kamil Tchalaev (la Basse) en une courte mais marquante apparition – tirent mieux leur épingle du jeu que les voix aigues – Christophe Crapez (le Ténor), Anne Marchand (le Soprano) – ingrates de timbre et mises à mal par les quelques traits virtuoses que leur réserve la partition.
(1) Sont annoncés Le Tribun / Finale, un diptyque de Mauricio Kagel (29 octobre – 1er novembre) ; La Cour du roi Pétaud de Léo Délibes par la Compagnie Les Brigands (18 décembre – 4 janvier) ; Les enfants terribles de Philip Glass d’après Jean Cocteau (10 – 14 février) ; Cosi fan tutte de Mozart en version de chambre (31 mars – 4 avril) ; Riders to the Sea de Ralph Vaughan Williams (8 – 11 avril). Plus d’informations sur http://www.athenee-theatre.com/.