A la voir poser, glamour, sur les réseaux sociaux telle une de ces blogueuses qu’un nombre de followers à cinq chiffres autorise à qualifier d’influenceuse, on oublierait que Nino Machaidze chante aussi, depuis 2007 pour être précis, année de sa première Marie dans La Fille du Régiment, suivie immédiatement de débuts internationaux à l’Opéra de Rome dans le même rôle. En 2008, elle est déjà Juliette à Salzbourg, en remplacement d’Anna Netrebko enceinte.
Paris intervient en 2011, le temps d’un Rigoletto à La Bastille, puis la soprano géorgienne s’égaille à droite à gauche sur les plus grandes scènes sans que son nom ne soit associé à un répertoire particulier. Gilda, Nedda, Luisa Miller, Mimi, Violetta, Leila, Thaïs mais aussi Ninetta dans La gazza ladra et Pamyra dans Le Siège de Corinthe à Pesaro (2015 et 2017), Desdemona dans l’Otello rossinien à Hambourg en 2019. Alors, belcantiste ou pas belcantiste, Nino Machaidze ?
Le programme de ce récital pose de nouveau la question. Deux Rossini sur le bout des lèvres, histoire de s’échauffer et la soprano tourne rapidement la page du maître de céans. Seul Gianni Fabbrini au piano maintient le cap le temps de deux intermèdes, extraits des Péchés de vieillesse, trop courts pour prendre l’avantage sur le grand répertoire mais suffisants pour apprécier un toucher romantique qui tisse un lien inattendu entre Rossini et Chopin.
© Studio Amati Bacciardi
S’avance d’abord Chimène, rôle traditionnellement dévolu à une voix dite de falcon, à l’opposé sur l’échelle sopranisante des vocalises étourdissantes de Juliette, que Nino Nachaidze enfilera plus tard en bis avec une facilité déconcertante. D’un côté un format dramatique induit par des notes puissantes et sombres, de l’autre des coloratures brillantes et légères. Deux vocalités dissemblables ici réconciliées par la chanteuse, avec chez Massenet, des couleurs fauves, des sons gutturaux, presque callassiens tandis que Gounod fait valoir un aigu précis à l’éclat inaltéré. Entre les deux, Manon et Marguerite tout aussi évidentes, en dépit d’une prononciation souvent exotique, et plus encore Mimi, dessinée d’un trait subtil, coquette et sensible. Pourtant, le compte n’y est pas. L’ensemble laisse une impression mitigée. Si évidentes soient ces héroïnes, il leur manque les intentions que l’on vient chercher en été dans la ville natale de Rossini. Ici un trille, à peine esquissé ; là, une messa di voce habilement esquivée ; autant de coups de pinceau belcantistes qui s’ils ne sont pas indispensables dans ce programme aident à la caractérisation et rendent l’interprétation mémorable. Armida, prévue en version de concert à Marseille la saison prochaine, ne pourra s’en dispenser.
Pour l’heure, le programme est plié en quarante-cinq minutes. C’est un peu court, tout de même. Deux rappels – Gounod donc et il bacio, une valse chantée de Luigi Arditi – s’avèrent insuffisants pour satisfaire le public, qui en redemande. Faute d’autres bis en réserve, Nino Machaidze reprend la valse de Juliette. C’est bien connu pourtant, jamais deux sans trois. Décidément, le compte n’y était pas.