Depuis huit jours, les mélomanes monégasques étaient sur un petit nuage après avoir assisté aux représentations de Thaïs avec Marina Rebeka. Alors qu’ils n’avaient pas encore retouché terre, Marina Rebeka les a à nouveau entraînés au septième ciel. Ce fut vendredi dernier, lors d’un concert inattendu.
A l’origine, ce concert devait être donné par Olga Peretyatko. Lorsqu’elle fut enceinte et se désista , elle fut remplacée par Joyce El-Khoury. Celle-ci étant victime des défaillances des transports aériens, Marina Rebeka fut invitée à prolonger son séjour monégasque et la remplacer. Elle ne se fit pas prier.
Marina Rebeka © Alain Hanel-Opéra de Monte-Carlo
A l’affiche du concert figurait également Karine Deshayes. En politique, on parlerait d’une rencontre au sommet. Mais cela n’eut rien à voir avec la politique. On vécut un de ces moments de bonheur que nous connaissons, nous, amateurs d’art lyrique, lorsque la musique vous saisit au coeur et qu’autour de vous la salle, figée, retient son souffle.
Karine Deshayes © Alain Hanel-Opéra de Monte-Carlo
Karine Deshayes, aussi brillante dans les vocalises rossiniennes que dans les éclats de Donizetti, couronnant son chant d’aigus somptueux, fit merveille dans les imprécations de la reine Sémiramis (dans Semiramide de Rossini) et dans les strophes de la séductrice Jeanne Seymour (Anna Bolena de Donizetti). Marina Rebeka, au timbre splendide, aux vocalises puissantes, aux aigus étincelants, dégagea un magnétisme auquel on ne pouvait résister. C’est l’une des grandes sopranos du moment. Elle fut une fulgurante Anna Bolena et une frémissante Norma.
Les sommets de la rencontre furent atteints dans les duos – celui entre Adalgisa et Norma en particulier, dans lequel on les avait entendues au Capitole de Toulouse l’an dernier. Les deux voix s’enlaçaient, les timbres s’harmonisaient, les personnages se répondaient de façon théâtrale. On était emporté par la fougue de leur dialogue.
Avec le Philharmonique de Monte-Carlo, elles bénéficièrent d’un accompagnement de luxe. Cet orchestre est magnifique. Il était placé sous la baguette d’un chef qui était chez lui dans ce répertoire, Riccardo Frizza.
Et c’est ainsi que, l’espace d’un après-midi, Monaco a rimé avec bel canto.