Après L’Etoile et le grand retour de Jérôme Savary au Grand Théâtre de Genève, Frederica von Stade dite « Flicka » habillait mardi 17 novembre la scène genevoise de son aura grand siècle. Face à un parterre et des balcons en rangs serrés, on devinait le public ravi de retrouver cette grande dame qui n’était pas montée sur la scène genevoise depuis 1990. On sait la voix fragilisée et l’on retrouve ça et là quelques tons descendus signes de cette faiblesse. Qu’importe Frederica Von Stade, fine mouche a pensé un programme très vieille Europe avec « la vie en rose » de Gugliemi, « Chants de France » de Canteloube, la gouaille désuète d’un Berthomieu, le Sprechgesang de Schoenberg. Excellente comédienne, elle a l’aisance de sa généreuse présence, l’amplitude de son jeu rassure.
Avec « les roses d’Ispahan » de Fauré on est dans l’immédiateté des choix de « Flicka », la note est propre. Même amplitude avec Schubert et Strauss, on reconnaît l’aisance de l’artiste brillante du Met des années 70 qui est passée par la Scala de Milan, le Royal Opera Covent Garden de Londres, la Wiener Staatsoper, l’Opéra de Paris.
Frederica von Stade chante bien sûr le « Primary Colors », de son ami Jake Heggie, (le rôle de Mrs. Patrick de Rocher dans le Dead Man Walking a été créé pour elle au San Francisco Opera). Le public s’y retrouve et craque à nouveau pour de vifs bravi et brava.
Avec Poulenc et le « Priez pour paix », c’est toute la poésie de Martin Katz qui s’exprime avec une discrétion sûre, l’évidente adresse du pianiste d’un soir car ces dernières années, Martin Katz est plus souvent en fosse à la direction musicale (orchestre de la BBC, de Houston, Washington, Tokyo, etc.) qu’au piano. Pour ce récital, premier de la saison de Tobias Richter au Grand Théâtre de Genève, notre « complete collaborator » du nom de son ouvrage paru aux Presses Universitaires d’Oxford donne la note complice. La grande dame se promène, son intelligence affleure sur l’air pourtant mortifère de Desdemona, « Assise au pied d’un saule », dans l’Otello de Rossini.
Son travail très cabaret sur l’air de Gigerlette de Schoenberg et l’Air du Miroir de l’Arcadie n’est pas sans rappeler celui d’Angelika Kirchschlager dans Mahagonny Songspiel de Weill au Théâtre des Champs-Elysées en septembre dernier…Juliette Deschamps n’est pourtant pas – encore et pour longtemps semble t il – l’invitée du Grand Théâtre de Genève.
« Flicka » achève son tour avec Joseph Canteloube, Chants de France. Un rappel au son de la Périchole d’Offenba « rrr », le carrosse de Mérimée se referme. La Périchole fut montée en 1982, au Grand Théâtre justement par Jérôme Savary, reprise en 2007 à l’Opéra Comique, la boucle est bouclée.
Réminiscence des années 80, les fantômes du théâtre veillent, les Rolls en double file sont bien gardées.