Il est de ces soirées où tous les ingrédients ont beau être de qualité, la sauce ne prend pas.
C’est le cas pour cette Lulu qui peine à nous emporter et à nous émouvoir. À qui la faute ?
Sans doute en premier lieu à Michael Schonwandt qui apparaît ici comme le prototype du Kappelmeister… dans le mauvais sens du terme : professionnel mais bien peu palpitant. Propre mais lisse, sa direction ne décolle en effet pratiquement jamais et reste simplement efficace. La partition de Berg réclame pourtant bien plus. On cherche en vain le lyrisme éperdu ou la grande violence de certains épisodes mais on admire la plastique de la musique, bien mise en valeur par un orchestre en grande forme et de belles sonorités (particulièrement le pupitre de cors, les saxophones – très audibles – ou le splendide tam-tam).
La faute sans doute aussi aux chanteurs, pourtant bons voire très bons.
Laura Aikin a beau avoir le physique et toutes les notes de Lulu, elle ne convainc guère. C’en est presque incompréhensible. Qu’a-t-elle de moins qu’une chanteuse comme Patricia Petibon par exemple qui, elle, « crève l’écran » dans le même rôle (à Genève puis à Salzbourg) ? Le charisme peut-être…
La même quasi indifférence vaut pour presque tous les hommes qui entourent Lulu. Seuls émergent vraiment de cette grisaille Franz Grundheber qui campe un formidable Schigolch, Robert Wörle en Marquis ou encore l’excellent Scott Wilde en athlète. Jennifer Larmore semble aussi en retrait notamment dans la scène finale.
Où chercher encore la raison de cette relative déception ?
Sans doute dans la mise en scène très propre et très esthétique de Willy Decker. Se fondant pourtant sur un décor astucieux et intéressant (un plateau rond, entouré de portes, est surmonté d’un vaste amphithéâtre où se promènent d’inquiétantes silhouettes toutes de noir vêtues), le propos s’avère finalement peu clair. On croit d’abord que les individus du plateau supérieur sont des témoins/voyeurs de ce qui se passe sur le plateau inférieur, donc tout à fait indépendants de l’action, ce qui eut été une très bonne idée (d’autant plus que Decker propose des images fortes d’une grande variété grâce à ces figurants) mais les nombreux allers-et-venues des protagonistes entre ces deux espaces (par le biais d’échelles malcommodes) brouille le message. La scène finale est cependant très réussie et intense grâce précisément à ces personnages noirs qui, descendus sur le plateau inférieur, accompagnent Jack l’éventreur, reproduisant même le geste de l’assassinat de Lulu. Il est hélas trop tard pour tirer la soirée de l’impression de platitude dans laquelle nous sommes embourbé.