Avec cette nouvelle création du Songe d’une nuit d’été au Komische Oper de Berlin, nous sommes transportés – le temps d’une soirée – au pays merveilleux des elfes et des forêts enchantées. La magie insufflée sur scène par Viestur Kairish ne tarde pas à opérer. Qu’importe qu’il s’agisse ici de la version allemande de l’œuvre, puisque les propos botanico-bucoliques tenus par les personnages n’éclairent pas vraiment la trame de cette fantaisie qui mêle les aventures des créatures des bois à celles, amoureuses, de deux couples de mortels et à celles, enfin, d’une troupe de théâtre amateur composée d’une bande d’artisans. Soulignons que sur le plateau tout concourt à l’enchantement, tandis que dans la fosse le travail de Kristiina Poska et de l’orchestre du Komische Oper confine à l’envoutement.
Le décor de Ieva Jurjane, réalisé dans une matière molle et baigné par les lumières crépusculaires de Diego Leetz, est aussi propice à nous faire perdre nos repères qu’à faire trébucher les chanteurs qui s’y enfoncent redoutablement. Les enfants composant le chœur des elfes apparaissent grimés en vieillards et leur réalité nous semble une évidence dans ce monde parallèle né de la nuit et du sommeil. Les effets comiques sont subtilement dosés au point que l’incarnation graveleuse de Zettel en âne bien membré ne sombre pas dans la vulgarité. Les clichés sont bousculés, les références sont décalées, les ours en peluche sont démembrés, bref le ton est donné et chaque personnage évolue désormais au gré de sa fantaisie.
Hormis les trois rôles principaux – Oberon, Titania et Zettel (Bottom en version originale), tenus par l’étonnant mais trop peu sonore falsetto David DQ Lee pour l’un, par l’agile Nicole Chevalier pour la deuxième et par Stefan Sevenich en truculent trublion pour le dernier – la troupe permanente et les membres de l’opéra-studio du Komische Oper se répartissent avec talent les autres personnages de l’opéra. On retrouve ainsi les solides solistes Tansel Akzeybek, Annelie Sophie Müller, Günter Papendell et Adela Zaharia dans le chassé-croisé amoureux, tandis que le véhément Jens Larsen et l’inénarrable Peter Renz s’ébattent dans le théâtre de verdure.
Enfin, l’excellente prestation de Puck par Gundars Abolins mérite d’être rapportée tant pour ses qualités vocales que pour son jeu hautement expressif.