Evénement immanquable de cet automne 2018, la commémoration du centenaire de l’Armistice se sera traduite dans tous les domaines. Toujours prompte à réagir à l’actualité, la Philharmonie affiche dans plusieurs concerts étalés sur un weekend sa volonté de s’intégrer aux festivités.
Dans le cadre assez intimiste du Studio s’étaient donc réunies trois formations chorales, pour un concert autour des musiciens en temps de guerre : les femmes de l’ensemble vocal Sequenza 9.3, et les hommes du Chœur de l’Armée française accueillaient le Chœur de chambre du Québec. Il n’y a pas à dire, l’esprit de réunion sera le mot d’ordre de la soirée.
De ce concert, il faut avant tout saluer un fort beau programme, réunissant quelques classiques du répertoire choral (les Trois chansons de Ravel et Figure humaine de Poulenc) à quelques pages plus rares (la Messe à trois voix de Caplet, ou le récent Papaver de Fujikura). Leur point commun est un lien direct ou détourné avec les conflits qui ravagèrent l’Europe pendant la première moitié du 20e siècle. Leur différences sont avant tout chronologiques (plus de cent ans séparent Schönberg de Fujikura) et géographiques, réunissant avant tout des compositeurs français ou germaniques.
Est-ce pour souligner ces différences que le concert fut distribué à deux cheffes différentes ? L’idée n’est pas mauvaise, mais le va et vient au pupitre ne fonctionne pas toujours aussi bien qu’on ne l’imagine (surtout quand l’on change deux fois de direction au sein d’une même œuvre). De même, on s’interroge encore sur le découpage de la Messe de Caplet, dont un mouvement est glissé entre chaque œuvre du programme. Ici aussi, on sent une réflexion dramaturgique longuement mûrie, mais cela ne marche pas nécessairement à chaque fois (l’« Agnus Dei » paraît bien maigre après les feux et les orages de « Liberté »).
Côté interprétation, il faut avant tout saluer l’engagement musical de l’ensemble des formations réunies. Cela se manifeste avant tout dans les Trois chansons et dans Figure humaine, au français délicatement ciselé. Saluons également les très belles interventions solistes du Chœur de l’Armée française dans les « Trois beaux oiseaux du paradis ».
Dans l’acoustique ultra-sèche du Studio, l’intonation générale pose davantage de problèmes. L’écriture dépouillée de la Messe de Caplet ne laisse passer aucune faiblesse, et les interprètes mettront au moins le temps du « Kyrie » pour trouver la confiance d’interprétation suffisante. A l’inverse, c’est dans la richesse harmonique du langage de Poulenc que se perd parfois la justesse de l’un ou l’autre pupitre, à l’image d’un « Aussi bas que le silence » un peu brouillon.
Cependant, les directions de Catherine Simonpietri et d’Emilie Fleury font que la soirée tient bon. De cette dernière, soulignons avant tout un véritable sens du texte, et une pâte sonore très onctueuse, à l’image des très belles couleurs déployées durant le Nachtlied de Reger. Cela n’empêche pas quelques accès de fureur tels que « La menace sous le ciel rouge » menée à un train d’enfer. On se prend ensuite volontiers à la direction affirmée, mais équilibrée et certainement musicale de Catherine Simonpietri. Si nous avions émis quelques réserves sur la Messe de Caplet, on ne peut être que conquis par les magnifiques contrastes dans le Friede auf Erden de Schönberg (« Mählich wird es sich gestalten… »), ainsi que par la course follement lyrique que représente « Liberté » chez Poulenc.
Véritable hymne au futur et à la paix, le programme de ce concert ne manque pas de conquérir un public venu se masser nombreux dans les gradins du Studio.