Gala du 125e anniversaire du Metropolitan Opera
Hommage à Placido Domingo pour ses 40 années avec la compagnie
Gounod: FAUST
Faust ouvrit la 1ère saison du Metropolitan, le 22 octobre 1883. Les costumes sont basés sur ceux de la production originale
« Vin ou bière »
Metropolitan Opera Chorus
« Le veau d’or »
Méphistophélès, John Relyea
Air des Bijoux
Marguerite, Angela Gheorghiu
Trio final
Méphistophélès, James Morris
Marguerite, Sondra Radvanovsky
Faust, Roberto Alagna
Puccini: LA FANCIULLA DEL WEST
L’ouvrage a connu sa création mondiale au Met le 10 Décembre 1910. Les décors et costumes sont basés sur la production originale de David Belasco
« Ch’ella mi creda »
Dick Johnson, Plácido Domingo
Verdi: AIDA
Costumes inspirés de la production de la saison 1908 avec Emma Eames et Louise Homer
« Silenzio! Aida verso noi s’avanza!… Fu la sorte »
Amneris, Stephanie Blythe
Aida, Maria Guleghina
Metropolitan Opera Chorus
Moussorgsky: BORIS GODUNOV
Recréation des costumes d’Ivan Bilibine pour la création américaine du 19 mars 1913
Mort de Boris
Boris, John Tomlinson
Feodor, Jesse Burnside Murray
Metropolitan Opera Chorus
Verdi: NABUCCO
Costumes d’Andreane Neofitou (2001)
« Va, pensiero »
Metropolitan Opera Chorus
Bizet: CARMEN
Décors inspirés de Rolf Gérard (production de 1952 de Tyrone Guthrie). Costumes de Carmen d’après la création de Valentina pour Rosa Ponselle (1935)
« Carmen, un bon conseil… C’est toi ? C’est moi »
Frasquita, Erin Morley
Carmen, Waltraud Meier
Mercédès, Kate Lindsey
Don José, Roberto Alagna
Verdi: RIGOLETTO
Décors d’Eugene Berman pour la production d’Herbert Graf (1951). Costume d’après Caruso (1903)
« La donna è mobile »
le Duc de Mantoue, Juan Diego Flórez
Verdi: DON CARLO
Décors d’après Rolf Gerard et Costume d’après la création de Margaret Webster pour Cesare Siepi (1950)
« Ella giammai m’amo »
Filippo, James Morris
R. Strauss: DER ROSENKAVALIER
Décors et costumes inspirés de la première américaine du 9 décembre 1913, conçus respectivement par Hans Kautsky et Alfred Roller
« Hab’ mir’s gelobt »
Octavian, Susanne Mentzer
La Maréchale, Deborah Voigt
Sophie, Lisette Oropesa
Mozart: DON GIOVANNI
Costume inspiré par celui porté par Ezio Pinza
« Fin ch’han dal vino »
Don Giovanni, Mariusz Kwiecien
Wagner: PARSIFAL
Le Met fut le premier théâtre à proposer Parsifal hors de Bayreuth. Décors et costumes sont inspirés de cette production créée le 24 décembre 1903
« Ja, Wehe!… Nur eine Waffe taugt »
Amfortas, Thomas Hampson
Parsifal, Plácido Domingo
Metropolitan Opera Chorus
Mozart: DIE ZAUBERFLÖTE (ouverture)
Animation basée sur « Le Triomphe de la Musique (Marc Chagall)
Puccini: GIANNI SCHICCHI
Création mondiale au Metropolitan le 14 décembre 1918
« O mio babbino caro »
Lauretta, Maija Kovalevska
Tchaikovsky: LA DAME DE PIQUE
Costume basé sur la création d’E.S. Freisinger pour la première américaine (5 mars 1910)
« Ya vas lyublyu »
Yeletsky, Dmitri Hvorostovsky
Verdi: SIMON BOCCANEGRA
Décors et costumes basé sur les créations de Camillo Parravicini pour la première américaine du 28 janvier 1932
« Dinne, perché in quest’eremo… Figlia, a tal nome io palpito »
Amelia Grimaldi, Angela Gheorghiu
Simon Boccanegra, Plácido Domingo
Wagner: SIEGFRIED
Le costume de Deborah Voigt est inspiré de celui porté par Lilli Lehmann en 1889 (premier Ring complet aux Etats-Unis)
« Ewig war ich »
Brünnhilde, Deborah Voigt
Siegfried, Ben Heppner
Scènes inspirés de décors et de costumes de Franco Zeffirelli
Puccini: LA BOHÈME
« Che gelida manina »
Rodolfo, Joseph Calleja
Puccini: TOSCA
« E lucevan le stelle »
Cavaradossi, Aleksandrs Antonenko
Puccini: TURANDOT
« Nessun dorma »
Calàf, Marcello Giordani
Verdi: LA TRAVIATA
Le costume de Natalie Dessay est inspiré de celui conçu par Jonel Jorgulesco pour la production de 1935, porté par Bidú Sayão en 1937
« È Strano!… Ah, fors’è lui… Sempre libera »
Violetta, Natalie Dessay
Alfredo, Joseph Calleja
Verdi: OTELLO
Inspiré de la production de 1909 production : décors de Vittorio Rota, Mario Sala, et Angelo Parravicini, costumes de Caramba
« Niun mi tema »
Otello, Plácido Domingo
Korngold: DIE TOTE STADT
Le costume de Renée Fleming est basé sur celui créé pour Maria Jeritza à l’occasion de la première américaine de l’ouvrage le 19 novembre 1921
« Glück, das mir verblieb »
Marietta, Renée Fleming
Wagner: DAS RHEINGOLD
Production de 1889
« Zur Burg Führt die Brücke… Abendlich strahlt der Sonne Auge »
Froh, Garrett Sorenson
Wotan, James Morris
Fricka, Yvonne Naef
Loge, Kim Begley
Rhinemaidens: Kate Lindsey, Tamara Mumford, Lisette Oropesa
Direction, James Levine
Mise en scène, Phelim McDermott
Décors et assistance à la mise en scène, Julian Crouch
Costumes, Catherine Zuber
Eclairages, Peter Mumford
Video, Leo Warner & Mark Grimmer (Fifty Nine Productions, Ltd)
Son, Scott Lehrer
Chef des choeurs, Donald Palumbo
Orchestre et Chœurs du Metropolitan Opera de New-York
New-York, le 15 mars 2009
Addio del passato
Les galas du Metropolitan se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Après la soirée d’adieu à Joseph Volpe, l’hommage à James Levine, les 60 ans de l’installation au Lincoln Center, on pouvait imaginer, pour le 125e anniversaire de l’institution, un nouveau défilé de chanteurs prestigieux, genre « la Piste aux Etoiles ». Mais ce n’est pas le cas pour le cru 2009 : fidèle à ses ambitions de renouvellement, le nouveau manager Peter Gelb a programmé un spectacle original, un hommage à l’institution plutôt qu’aux artistes ; un gala qui, paradoxalement, fait revivre le passé prestigieux de Met au moment même où la nouvelle équipe tente de rompre avec ses traditions (cf critique de la récente Sonnambula). Le concept est celui d’une évocation des spectacles ayant marqué l’histoire de la maison, d’ailleurs pour des raisons diverses.
Faust ouvre le bal, comme il ouvrit la toute première saison en 1883(1), avec trois extraits du chef d’œuvre de Gounod.
Le dispositif scénique est d’abord minimal, composé à partir de reproductions du proscenium de l’ancien Met. On passe à la vitesse supérieure avec le trio, chanté devant un rideau – écran sur lequel est projeté un tableau figurant justement la représentation exacte de cette scène en ces mêmes lieux. L’image est progressivement zoomée jusqu’à ce que les chanteurs se superposent exactement aux solistes représentés ; puis seuls les anges restent visibles, remplacés à notre vue par des figurants dans des costumes identiques, placés derrière l’écran ; progressivement, les anges tirent des « dessous » un nouveau décor reprenant exactement celui de la création de La Fanciulla del West.
Décors et projections vont ainsi se combiner tout au long de la soirée (soit plus de 4 heures de spectacle) avec une fluidité absolument remarquable pour un événement unique. On n’ose imaginer ni combien il a coûté ni combien de répétitions auront été nécessaires pour arriver à une telle maîtrise.
Seul regret, que la distance ne donne pas toujours la possibilité d’apprécier des costumes d’un détail et d’une richesse qu’on aurait du mal à imaginer sur les scènes actuelles(2).
Pour des raisons différentes, on aurait également du mal à imaginer aujourd’hui les costumes du Ring de 1899, en particulier le spectaculaire casque à cornes de Wotan précurseur du style « heroic fantasy » !
Autre moment visuellement fort, la recréation de la scène finale de « Parsifal ». Hampson et Domingo, tout bonnement sublimes, un décor crépusculaire, des éclairages d’une grande poésie, suffisent à faire passer un instant le souffle de « l’Esprit Saint » … Et nous font nous interroger sur la vanité d’approches bien plus élaborées mais parfois loin de nous émouvoir.
Quelques clins d’œil également. L’ouverture de La Flûte enchantée est le prétexte à une vidéo qui joue avec humour sur l’architecture du nouveau et de l’ancien Met pour conclure au « Triomphe de la Musique » de Marc Chagall, l’une des deux fresques (avec « Les Sources de la Musique ») qui décore le foyer de l’opéra.
Autre hommage, celui de Don Giovanni qui interprète l’Air du Champagne devant un patchwork de photos des plus grandes divas du Met. L’air se conclut avec un « vrai » clin d’œil de Maria Callas.
e programme nous permet d’apprécier la richesse du répertoire du Met, pas toujours aussi classique qu’on le dit. Si La Fanciulla del West ou Il Trittico font aujourd’hui figures de chefs d’œuvre reconnus, ils ont d’abord été des créations mondiales au Metropolitan. Die tote Stadt y a connu sa première américaine moins d’un an après la création simultanée à Hambourg et Cologne (soit près de 90 ans avant l’Opéra de Paris …). La Dame de Pique a été créée dès 1910. Le Chevalier à la Rose n’a pas attendu deux ans avant de traverser l’Atlantique. Sans parler du Parsifal dont la première représentation hors de Bayreuth occasionna le « black-listage » des interprètes par le festival… De quoi donner quelques complexes aux théâtres européens, longtemps beaucoup moins aventureux, même s’ils se sont bien rattrapés depuis !
Autre signe de renouveau, un hommage au travail de Franco Zeffirelli, longtemps pilier de la maison et dont le théâtre abandonnera bientôt la Tosca, remplacée par une nouvelle production de Luc Bondy. Quelles que soient les critiques (légitimes) qu’on peut porter envers le travail du metteur en scène italien, combien de novices auront pu être introduit à l’opéra en étant d’abord séduits par la richesse de ses productions.
Sur le plan vocal, la soirée était également l’occasion de fêter le 40e anniversaire des débuts in loco de Placido Domingo. Le ténor se taille la part du lion avec 4 grandes scènes : l’air de la Fanciulla (transposé d’un demi ton) « vibre » un peu trop, mais la voix est toujours aussi belle et puissante (surtout comparée aux autres ténors de la soirée) ; le magnifique final de Parsifal, déjà évoqué, nous rend le chanteur au sommet de ses moyens actuels ; le duo de Simon Boccanegra est une vraie nouveauté : Placido abordera Simon la saison prochaine et cet extrait nous permet d’apprécier l’intérêt de cette prise de rôle. A priori, la tessiture ne devrait lui poser aucun problème mais il est certain qu’on entend là un ténor (barytonnant, certes), mais pas un authentique baryton Verdi. En fait, la facilité dans l’aigu du ténor est presque un handicap : il manque à Domingo cette tension dans le registre le plus élevé qui vient soutenir la charge émotionnelle chez un authentique baryton. Il n’en reste pas moins que la tentative sera intéressante, une autre difficulté pour Placido étant d’être ici un père et non plus un amant. A ses côtés Angela Gheorghiu est une Amelia musicale, juste et touchante, mais un peu confidentielle. Enfin, Placido conclut par une mort d’Otello admirable, comme si les ans n’avaient plus de prise.
Le reste du plateau alterne le meilleur et le simplement correct. Si Roberto Alagna est visiblement débordé par l’impétuosité « décibellique » de Sondra Radvanovsky, son Don José est un miracle de justesse et de style, malgré quelques aigus un peu haut. A ses côtés, Waltraud Meïer est une Carmen un peu hors de style, mais qui se tire mieux que prévu du rôle. Remplaçant James Morris qui remplaçait lui-même René Pape souffrant, James Tomlinson interprète une mort de Boris absolument mémorable. Sans surprise, Juan Diego Florez électrise le public avec un séduisant Duc de Mantoue, offrant une cadence inédite culminant autour du ré bémol. Sans surprise également, Dmitri Hvorostovsky est un magnifique Yeletsky de la Dame de Pique. Changeant de répertoire, Stephanie Blythe campe une Amnéris « à l’ancienne » tout à fait enthousiasmante. René Fleming enfin, est une Marietta absolument sublime de musicalité et d’émotion.
Saluons également la performance de James Levine et son extraordinaire versatilité. Le directeur musical nous démontre ici que pour un grand chef, il n’y a pas de musique indigne, apportant le même soin et le même engagement à tous les styles représentés.
Au chapitre des interprètes moins convaincant, on citera Deborah Voigt dont l’aigu en Maréchale fera sauter plus d’un sonotone. Le soprano se rattrape heureusement en Brünnhilde aux côtés d’un Heppner nettement plus à l’aise pour une scène de Siegfried que pour le rôle tout entier !
Marcello Giordani a bien du mal avec les graves de son Calaf et James Morris a bien du mal tout court avec son Filippo. La basse américaine prend toutefois sa revanche avec un Wotan rappelant ses splendeurs passées.
Natalie Dessay remporte un triomphe avec « E Strano », air où elle a pourtant du mal à faire passer une quelconque émotion : à quoi bon, par exemple, chanter les deux couplets si c’est uniquement pour chanter le second piano, sans variations de couleurs, sans « dire » le texte ?
Mais l’essentiel n’est pas là. Et quand la soirée s’achève avec le final de l’Or du Rhin et que la montée au Walhalla s’illumine d’un patchwork de photos des plus grandes stars du Metropolitan qui vient progressivement remplir l’écran, la salle explose en applaudissements sur la dernière minute de musique, saluant un théâtre mythique et unique, comme nul autre au service de la musique depuis 125 années. Bravo le Met et rendez-vous dans 25 ans !
Placido Carrerotti
(1) Faust fit d’ailleurs l’ouverture annuelle une demi-douzaine de fois. Au total, l’ouvrage a été donné 733 fois au Met, dont 162 avant la fin du XIXe siècle. A tel point que le théâtre avait été surnommé Faustspielhaus !
(2) Le Metropolitan expose régulièrement des costumes originaux dans ses présentoirs, ce qui permet d’en apprécier les qualités. A Bastille, on a des pubs ou des vitrines vides.