Hors des circuits classiques, Paris regorge de lieux alternatifs aux propositions originales. C’est le cas de la péniche Adélaïde où, sans façon, vous embarquez pour une soirée lyrique à prix libres « pour que chacun y participe à hauteur de ses moyens » et où, après le spectacle… on vous invite à diner !
Dans ce lieu chaleureux et bohème, Malvina Morisseau, comédienne qui a fait ses classes au TNS (Théâtre National de Strasbourg), a l’excellente intuition de mettre en espace et en musique quelques unes des idées du beau texte de Catherine Clément, L’Opéra ou la défaite des Femmes, qui fait de ces dernières de sublimes mais perpétuelles vaincues. L’essai adopte donc un angle partiel, si ce n’est partial, pour aborder les destins féminins sur la scène lyrique, il n’en n’est pourtant pas moins pertinent.
Merveilleusement écrit, le texte est tout aussi bien interprété par la comédienne/metteuse en scène qui s’y coule avec ironie et finesse. Ses interventions mettent au jour le sous-texte d’oeuvres célébrissimes dont on connaît la trame sans toujours en distinguer l’ambivalence : On meurt beaucoup sur la scène lyrique, souvent on y sombre dans la folie ; s’y dessine une vision assez sombre de l’amour qui perd les êtres purs et échoue à racheter les dévoyées.
Le parcours en sept chapitres – pour autant d’héroïnes – nous permet de profiter des multiples facettes du talent d’Odile Heimburger. La jeune colorature place la barre très haut en enchainant des airs éminemment acrobatiques avec une élégance crâne. Dotée d’une très belle présence, elle se glisse avec une délectation manifeste dans des oripeaux lyriques fort divers, ne manquant ni d’abattage, ni de second degré pour se moquer des clichés habituellement attachés à la figure de la cantatrice.
La voix est remarquable, forte d’une magnifique projection et d’aigus sensuels. L’interprétation de Cunégonde met également en valeur de superbe graves très charnels mais aussi une vraie intelligence de la vocalise et une délectation manifeste à jouer les hystériques. Le médium et moins percussif que l’aigu, ce qui fragilise un peu l’interprétation de l’air d’Ophélie tout comme le « Je t’aime » d’Isabelle Aboulker. Le parlando y supplée alors mais atteste un léger manque d’uniformité entre les registres. Il faut dire que l’artiste a peu de temps entre ces sept airs de bravoure. Ce dernier terme est parfaitement adapté à notre propos car c’est bien du cran et du courage qu’il faut à notre chanteuse pour passer en moins d’une heure par tant d’héroïnes qui sont autant d’affres émotionnels.
Les airs sont accompagnés à l’accordéon par Frédéric Daverio qui en a également réalisé les arrangements. Il faut accepter ce parti pris pour profiter du spectacle est une fois ou deux – pour Traviata notamment – le concept semble toucher ses limites. Il offre également d’agréables surprises et l’on se prend à souhaiter que l’unique intermède musical soit plus développé tant le musicien propose alors un joli moment de poésie.
Prochaines et dernières représentations les jeudis 26 octobre et 2 novembre 2017 à 20h.