Seulement une petite demi-heure de pluie au début du premier acte, on est loin du déluge de l’an dernier. Bien sûr, l’effet de surprise de ce spectacle hors du commun (voir la visite des coulisses) joue moins à la seconde vision, mais la mise en scène de David Pountney, qui quitte la direction artistique de Bregenz sur ce triomphe, garde toutes ses qualités : un équilibre s’y trouve savamment maintenu entre le conte pour enfants, avec alternance d’éléments effrayants et divertissants, et le conte fantastique (genre « road movie ») pour adultes. Le côté féérique reste bien sûr fondamental, mêlant quantité d’effets spéciaux et pyrotechniques , et le magnifique travail de nombreux acrobates en tous genres parfaitement synchronisés, tout particulièrement dans la scène du glockenspiel.
© Bregenzer Festspiele / Anja Köhler
Par rapport à l’an dernier, les espèces de ptérodactyles des Dames de la Nuit ont encore gagné en finesse de manipulation, un vrai régal. Nouveauté, leur sont opposés deux grands oiseaux des îles facétieux, l’un pour Papageno, l’autre pour Papagena : ces deux marionnettes, merveilleusement animées, vivent parallèlement leur vie de couple d’oiseaux ; mais peut-être attirent-elles trop l’attention sur elles au détriment des deux chanteurs. Les trois enfants sont devenus, quant à eux, trois énormes baigneurs genre celluloïd, parfaitement hideux au point d’en être dérangeants.
Le chef Hartmut Keil, très habitué de Bregenz, mène ses excellents chœurs et orchestre à un rythme soutenu, fait de légèreté et de précision. En effet, on ne constate pas le moindre décalage, alors que les musiciens se trouvent à une centaine de mètres de la scène, dans un local clos, et que les chanteurs ne voient le chef que par l’intermédiaire de grands écrans vidéo (et vice versa). Le Papageno truculent mais aussi tout en finesse de Marcus Brück, fort bien chanté, est tout simplement désopilant, et sa Papagena (Hanna Herfurtner) bien assortie : il est certain qu’avec les oiseaux qui virevoltent autour d’eux, ils captent toute l’attention. On retrouve avec plaisir le Sarastro d’Alfred Reiter et le Monostatos de Martin Koch. Rainer Trost, que l’on a vu à Paris dans les années 90 dans des rôles mozartiens, est un Tamino appliqué, aux côtés d’une Pamina (Gisella Stille) plus vive. Enfin, la Reine de la Nuit de Kathryn Lewek n’a pas froid aux yeux, surtout lorsqu’elle est propulsée par un vérin à 10 mètres de haut, ce qui lui permet de faire des vocalises de haut vol !