En 1933, alors âgé de 58 ans, Maurice Ravel commence à rédiger au brouillon ses lettres avant de les recopier au propre. L’agraphie, l’apraxie et l’aphasie dont il avait montré les premiers signes peu d’années auparavant seraient la conséquence de la maladie neurodégénérative qui entraînera son décès, à Paris le 28 décembre 1937.
Cette pathologie que le médecin du compositeur, le docteur Théophile Alajouanine, décrit comme « une sorte de mort prématurée de certaines parties du système nerveux » est aujourd’hui confirmée, sans preuves formelles, par trois éminents neurologues : Bernard Lechevalier, déjà auteur chez le même éditeur du Cerveau de Mozart (2003) ; Bernard Mercier, chef de service de l’unité cognitivo-comportementale à l’Hôpital de Blois, qui a consacré ses travaux de thèse à la maladie neurologique de Ravel ; Fausto Viader, professeur émérite à l’université de Caen, entre autres titres de noblesse scientifique. Leur Cerveau de Ravel transgresse le seul cadre médical pour évoquer la vie du musicien à travers sa correspondance et proposer une radiographie de sa personnalité.
Sont passés au scanner, étayés par de nombreux témoignages, le patriotisme de Ravel, sa prétendue homosexualité, son dandysme, ses engagements politiques qui lui vaudront l’étiquette de communiste, son goût pour les petites femmes de la Porte de Champerret, etc.
« J’ai encore tant de musique dans ma tête » déplorait en 1937 le compositeur à jamais entravé dans son art. Et l’amateur de théâtre lyrique d’imaginer, la frustration chevillée au corps, Jeanne d’Arc, Le Chapeau Chinois et cette opérette au titre inconnu dont Ravel souhaitait « faire quelque chose qui ne soit ni du Messager […], ni de l’Offenbach, ni du Chabrier » – trois projets que la maladie a condamnés à rester à l’état d’embryon dans la tête de Maurice Ravel.