Le jeune percussionniste italien Simone Rubino compte parmi les artistes les plus prometteurs de sa génération. Vainqueur du Concours ARD, il avait devant lui un vaste empire de contrats et de projets. La crise y a mis un terme : non seulement tout est annulé à court terme, le moyen terme est incertain et le long terme est hypothéqué par la morosité et le pessimisme qui gagnent le secteur. En somme, Simone Rubino est confronté au constat vertigineux qu’après s’être battu pendant toute sa vie pour devenir le maître infaillible d’une batterie d’instruments, toutes ses perspectives d’avenir pourraient être compromises, de par la mise en cause directe de la possibilité d’exercer son art.
Alors, pour ne pas se laisser abattre, Simone Rubino s’est dit qu’il lui faudrait trouver un projet. Un seul projet, auquel s’accrocher comme un naufragé à sa bouée. Ne pas se disperser, ne pas courir dans tous les sens comme une poule sans tête, mais – au contraire – concentrer ses énergies en direction d’une chose belle et salvatrice. Et chemin faisant, il découvrit un magnifique texte de la poétesse Mariangela Gualtieri, qui mit en mots la course folle qui mena l’humanité à son arrêt. Cette course du déplacement, des kilomètres parcourus, de la consommation ; cette course à l’abîme qui eut pour conséquence de précipiter les terriens – du moins, les plus privilégiés – à rester chez eux, les yeux écarquillés. Sa théorie est celle du drame consubstantiel au péché. Que si l’homme en est là, c’est que sa course à l’abîme l’y a mené. Sans adhérer à cette idée, il est en revanche impossible de ne pas y réfléchir.
Simone Rubino s’est donc attelé à la création d’une œuvre, sur ce texte de Mariangela Gualtieri, composée par son ami Lamberto Curtoni. Il leur aura fallu des semaines pour la créer, pour la maîtriser techniquement, Simone Rubino insistant pour chanter lui-même le texte d’une voix d’une justesse émotionnelle et technique proprement folles. Il s’est ensuite enregistré et filmé. Ce que nous entendons n’est pas que le miracle de trois cerveaux qui pensent. C’est aussi le rocher auquel des artistes se sont agrippés, pour ne pas perdre pied.