Dans la course à la présidentielle, la métamorphose de la ville de Bordeaux ces dernières années figure, à en croire ses partisans, parmi les raisons de voter Alain Juppé. Il est vrai que sous le mandat de son actuel maire, la capitale d’Aquitaine est devenue un des chefs-lieux les plus attractifs de France, laissant bien augurer ce qu’il pourrait réaliser à l’échelle du pays. La récente nomination de Marc Minkowski à la tête de l’Opéra de Bordeaux représenterait-elle un coup de canif dans ce bilan positif ?
Après avoir mis en doute le choix du fondateur des musiciens du Louvre dans un premier article il y a quelques mois, le quotidien Sud-Ouest relance maintenant la discussion en pointant la hausse des tarifs et le mauvais taux de remplissage du spectacle d’ouverture de saison, Les voyages de Don Quichotte. Propagande pré-électorale destinée à déstabiliser un candidat bien placé pour l’emporter ? Voire. Le Figaro – que l’on ne saurait taxer de sympathie gauchisante – s’engouffrait mardi dernier dans la brèche en la personne de l’habituellement conciliant Christian Merlin. Dans un article intitulé « Marc Minkowski à Bordeaux : le verre à moitié vide », le journaliste s’interroge à son tour sur le fait d’avoir confié la direction d’une institution lyrique à un artiste d’une envergure internationale, sachant qu’il s’agit d’un poste à part entière, nécessitant donc une présence permanente peu conciliable avec un emploi du temps de chef d’orchestre, et qu’il existe déjà un directeur musical attitré – Paul Daniel – (ainsi que, d’ailleurs, une directrice artistique – Isabelle Masset). La nomination d’un directeur administratif – Olivier Lombardie –, le semi-échec d’un spectacle d’ouverture plombé de bonnes intentions, et une saison ne proposant en tout et pour tout que deux opéras mis en scène (contre cinq à sept précédemment) semblent justifier ses interrogations.
Avant de voir le verre à moitié vide, gageons cependant que Marc Minkowski n’a pas brûlé toutes ses cartouches. On ne saurait juger un directeur d’opéra sur une seule saison, qui plus est de transition, et moins encore sur une production qui à trop vouloir embrasser, a mal étreint. Tout comme il ne faudrait pas interpréter comme un désaveu l’absence d’Alain Juppé à la première de ces Voyages de Don Quichotte sous prétexte que le candidat à la présidence de la République Française assistait ce même soir à la première de Tosca à l’Opéra Bastille.