« O mon pays, ô Toulouse ! » chantait Claude Nougaro. Son refrain pourrait aider à définir le climat de cette soirée des Victoires de la Musique Classique, où Toulouse et l’orchestre national du Capitole ont étéexaltés, tandis que les liens très forts entre Tugan Sokhiev et son pays natal ont été mis en évidence à plusieurs reprises. Ouvrant la soirée, Olga Peretyatko est-elle troublée par le souvenir de Saint-Pétersbourg, où elle connut le chef ? Elle chante le Boléro des Vêpres Siciliennes dans un italien teinté de slave, et semble plus soucieuse d’apparaître en diva que d’exprimer les sentiments d’Elena. L’autre invité se produit le dernier, et cisèle « La calunnia » du Barbier de Séville, avec la maîtrise et la plénitude vocale des grands jours d’Ildar Abdrazakov. Un soprano, une basse, le troisième invité est un ténor, Charles Castronovo, dont Claire Chazal semble ignorer qu’on le connaît à Toulouse où il chanta Mylio dans Le Roi d’Ys et Des Grieux dans Manon. Ce soir, dans la ville rose qui accueillit nombre d’Espagnols exilés et où l’on aime la zarzuela, il chante « No puede ser » avec la conviction et les aigus nécessaires. Plus tard, il sera le partenaire de Julie Fuchs dans un duo de La veuve joyeuse d’une troublante sensualité. Un hommage est rendu aux chœurs du Capitole avec un extrait des Danses polovtsiennes du Prince Igor. Plus tard un autre chœur toulousain, Les Eléments, déjà couronné aux Victoires, chantera le « Lacrymosa » du Requiem de Mozart sous la direction de son fondateur, Joël Suhubiette. Du Barbier de Séville le ténor Jérémy Duffau, le baryton Guillaume Andrieu et le soprano Elsa Dreisig affrontent la vocalise rossinienne avec des bonheurs divers dans le trio du deuxième acte « Ah, quel colpo inaspettato ». Nommée Révélation chez les artistes lyriques, la jeune fille proclamera et répétera sa volonté de ne se fier qu’à elle-même contre tout ce qui pourrait entraver sa créativité. En remerciant ceux qui l’ont soutenue et formée, Karine Deshayes venue recevoir sa victoire dans la catégorie artiste lyrique semblait l’inviter à rester sur terre. Elle nous avait fait décoller avec un air de La reine de Saba où lyrisme et féminité s’inspiraient, dira-t-elle, de Régine Crespin. Frédéric Lodéon est égal à lui-même et sait par une citation bienvenue ou une anecdote savoureuse maintenir l’intérêt. Mais au terme de cette soirée où le public est invité à battre des mains sur la Marche de Radzesky on reste perplexe : quelle est l’audience des retransmissions audio-visuelles de cet évènement ? A la radio, on ne pouvait voir la débauche d’effets visuels qui accompagnaient le spectacle. Sur un écran, aura-t-on l’impression qu’il s’agit de noyer le poisson sous la sauce, comme si l’on craignait qu’à lui seul il ne plaise pas ? Bah, sans doute faut-il considérer le verre à moitié plein…
Victoires de la Musique Classique 2016 – Palmarès
Soliste instrumental : Bertrand Chamayou, piano
Artiste lyrique : Karine deshayes, mezzo-soprano
Révélation soliste instrumental :Lucienne Renaudin-vary, trompette
Révélation artiste lyrique : Elsa Dreisig
Compositeur : Philippe Hersant
Enregistrement : Ravel / Daphnis et Chloé / La valse (Orchestre et choeur de l’Opéra National de Paris, direction Phippe Jordan)