Forum Opéra

Elektra — Baden-Baden

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
29 janvier 2010
Choc et magnétique

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Elektra (Strauss, Thielemann – Baden Baden)

Richard Strauss (1864-1949)

Elektra

Tragédie en un acte

Livret de Hugo von Hofmannsthal, d’après la pièce de Sophocle Électre

Création le 25 janvier 1909 au Königlisches Opernhaus de Dresde

 

Klytämnestra (Jane Henschel, sur l’escalier) et Elektra (Linda Watson, à droite).

  

Elektra, Linda Watson

Klytämnestra, Jane Henschel

Chrysothemis, Manuela Uhl

Aegisth, René Kollo

Orest, Albert Dohmen

Der Pfleger des Orest, Andreas Hörl

Ein junger Diener, Jörg Schneider

Ein alter Diener, Carsten Sabrowski

Die Aufseherin, Irmgard Vilsmaier

1. Magd, Constance Heller

2. Magd, Nina Amon

3. Magd, Hermine Haselböck

4. Magd, Katrin Adel

5. Magd, Bernarda Bobro

 

Mise en scène, décors, lumières et costumes, Herbert Wernicke († 2002)

La mise en scène originale de 1997 a été reprise par Bettina Göschl

 

Orchestre philharmonique de Munich

Dir. Christian Thielemann

 

Baden-Baden, Festspielhaus, vendredi 29 janvier 2010

 

Choc et magnétique

 

On sort de certaines représentations d’Elektra « la tête fatiguée comme une batterie électrique après la décharge », comme l’écrivait si justement Vincent Van Gogh à propos de ses joutes intellectuelles avec Paul Gauguin. L’intensité de l’œuvre de Strauss condensée en un acte sans pause et sans répit fait que cette heure quarante de tensions familiales couronnées de meurtres vengeurs peut agresser et épuiser l’auditeur ; il est vrai que ce dernier peut vivre en miroir une psychanalyse éprouvante. Ce n’est pas exactement ce que l’on a pu ressentir dans un Festspielhaus survolté par un public visiblement en phase. La cohérence du spectacle, la bonne tenue vocale de l’ensemble des protagonistes et la qualité de l’orchestre sont sans doute les fondements des sentiments de plénitude, de sérénité et de contentement ressentis à l’issue de la première d’Elektra à Baden-Baden.

 

La mise en scène, sobre, quasi absente, finit par s’imposer comme évidente dans son minimalisme. Certes, on aurait préféré avoir davantage à se mettre sous la dent, et notamment un cadre favorable à la réflexion philosophique comme cela avait été le cas avec la formidable mise en scène de Stéphane Braunschweig, dont la puissance magistrale avait magnétisé le public de l’Opéra national du Rhin. Le choix de Herbert Wernicke, volontairement intemporel, s’impose par la qualité des éclairages qui magnifient les fonds rouge, bleu et orange successifs et habillent les abîmes de solitude ainsi que la profondeur abyssale de la folie vengeresse d’une Elektra curieusement statique, à la fois perdue et immensément présente sur une avant-scène « plate-formée » d’où elle surnage et mûrit sa vengeance. Cet espace est l’une des grandes trouvailles de mise en scène : lieu à part et quasi-temple où erre la femme paria et officie l’oratrice qui hurle et invective… Le rideau de scène est un gigantesque mur pivotant qui se redresse et menace comme le tranchant de la hache – unique accessoire ou presque – brandie à l’envi par Elektra. Le rideau de scène se trouve curieusement drapant les épaules de Klytämnestra : c’est en effet le motif du rideau de Munich qu’on reconnaît sur le manteau de la mère abhorrée. Clin d’œil abscons pour le spectateur moyen qui ne saurait pas que la mise en scène avait été créée par Wernicke à Munich. Quant aux autres costumes, ils allient le drapé à l’antique avec les lamés des Années folles en un accord réjouissant pour l’œil. On pourra reprocher au personnage d’Elektra d’être trop statique, mais elle est génialement isolée sur l’avant-scène hors de son palais dont elle ne franchira pas le seuil. L’utilisation de l’escalier majestueux à souhait tout comme celui de la passerelle arrimée à la salle d’où émerge Orest est une belle idée : elle matérialise le statut d’étranger du frère craint par les uns et attendu par une héroïne elle-même en marge.

 

En Elektra, Linda Watson est avant tout une wagnérienne et son timbre à la sonorité pleine et riche manque peut-être d’un je-ne-sais-quoi de nuances, voire de folie, pour incontestablement emporter l’adhésion. Cela dit, la puissance et la précision de son chant, tout comme l’intensité et l’entièreté de sa performance (elle semblait avoir beaucoup de mal à revenir saluer, visiblement vidée) imposent le respect. Albert Dohmen est un Orest convaincant auquel on ne trouve pas grand chose à reprocher, si ce n’est une présence physique (et vocale) qui pourrai(en)t être plus rayonnante (s).

C’est avec plaisir qu’on retrouve René Kollo : celui qui semble ne jamais vouloir prendre sa retraite n’a que quelques mesures où son souffle suffit amplement pour éviter les vibratos trop perturbants. Son timbre incroyablement vert fait le reste et transcende son intrusion paniquée. Les autres rôles sont excellents. Il faut surtout souligner la présence magnifique d’une Chrysothemis sensible, tiraillée et irrémédiablement marquée par un destin trop grand pour elle. Manuela Uhl incarne cette fragilité puissante à merveille avec une maîtrise émouvante. Sa voix possède un timbre particulièrement charmeur et sa maîtrise technique semblait ici à toute épreuve. La palme revient cependant à Jane Henschel, incroyable Klytämnestra. Sa complexion d’emballage standard et son gabarit de lilliputienne peuvent surprendre à première vue pour un rôle où l’on attend une femme superbe, immense et royale. Cette première impression est immédiatement balayée devant l’évidence d’un chant où la passion, la haine, le monstrueux et la profonde humanité sont contenus dans chaque note. Être capable de tant de variations de tons et de sentiments relève tout simplement du miracle.

 

C’est de la fosse d’orchestre qu’émerge ce qui unifie à merveille le spectacle. La direction de Christian Thielemann est exemplaire, certes sonore, mais n’est-ce pas l’apanage de cette partition et de cet opéra en surtension permanente ? L’intensité éclatante de l’orchestre ne gêne toutefois en rien l’écoute des solistes et chaque instrument se profile en se distinguant idéalement. Un bonheur qui s’est soldé par un triomphe pour le chef et sa formation.

 

Catherine Jordy

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Détails

Elektra (Strauss, Thielemann – Baden Baden)

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle