Forum Opéra

Der Kaiser von Atlantis — Paris (Athénée)

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
24 janvier 2014
C’est la mort qui console, hélas…

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en un acte, écrit et répété en 1943 au camp de Terezin, puis censuré, création en 1975 à Amsterdam

Détails

Mise en scène
Louise Moaty
Scénographie
Adeline Caron
Lumières
Christophe Naillet
Costumes
Alain Blanchot
Maquillage
Elisa Provin

Arlequin (La vie), un soldat
Sébastien Obrecht
Bubikopf
Natalie Perez
Empereur Overall
Pierre-Yves Pruvot
La Mort, Le Haut-Parleur
Wassyl Slipak
Le Tambour
Anna Wall

Ars Nova ensemble instrumental
Direction musicale
Philippe Nahon
Paris, Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet, vendredi 24 janvier, 20h

 

Est-il possible d’écouter Der Kaiser von Atlantis d’une oreille froide ? Les circonstances particulières de la composition de cet opéra en un prologue et quatre tableaux influent inévitablement sur l’impression qu’il laisse. C’est à Theresienstadt, camp de concentration modèle voulu par les Nazis pour masquer leurs exactions, que Petr Kien et Viktor Ullmann en conçurent livret et musique. Les artistes et intellectuels, nombreux à être parqués dans ce « paradis des juifs », favorisaient une vie culturelle intense, plus ou moins encouragée par leurs tortionnaires qui voyaient là un moyen de convaincre le monde extérieur de l’innocence, voire de la vertu, de leur système mortifère. Déporté en 1942, Viktor Ullmann vécut à Theresienstadt deux ans avant d’être envoyé dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Né en 1898, ce compositeur d’origine tchèque, avait fréquenté la classe d’Arnold Schönberg à Vienne avant de devenir l’élève d’Alexander von Zemlinsky. Il est l’auteur de pièces pour piano, de Lieder, de quatuors à corde et d’au moins un autre ouvrage lyrique : Der Sturz des Antichrist créé à Vienne en 1936. 

La partition de Der Kaiser von Atlantis se distingue par une orchestration originale. Les moyens dont disposait Ullmann à Theresienstadt imposèrent une formation réduite et l’usage d’instruments plus ou moins habituels, tels que le piano, le saxophone mais aussi la guitare et le banjo. Le sujet de l’opéra fut lui aussi influencé par le lieu de sa composition. Comment ne pas faire le lien entre le IIIe Reich et cette histoire de Mort abdiquant face à un dictateur sanguinaire. La censure ne fut d’ailleurs pas dupe. Après une répétition générale au sein même du camp, elle décida d’interdire l’opéra qui attendit plus de trente années pour être représenté (à Amsterdam en 1975). Depuis, sa valeur mémorielle l’a inscrit au répertoire, même si sa qualité musicale, avec ses multiples références de Weill jusqu’à Berg, suffirait à justifier cette forme de reconnaissance.

Il est évidemment difficile de faire abstraction du contexte lorsqu’il s’agit de mettre en scène un tel ouvrage. Dans cette nouvelle production, à l’affiche du Théâtre de l’Athénée jusqu’au 30 janvier, Louise Moaty n’a pas voulu se démarquer. Avec en guise de décor unique, un mirador et des toiles de parachute chargées de délimiter l’espace, sa représentation est on ne peut plus explicite. Elle a néanmoins le mérite de ne pas charger le propos en abusant d’éléments réalistes. Aucune mise en abyme, aucun symbole ou accessoire ne vient dramatiser une fable déjà lourde de sens. L’omniprésence du haut-parleur beuglant ses « hallo, hallo » suffit à rendre tangible l’insupportable réalité.
 
Quel que soit le parti-pris, on ne sort pas indemne d’une représentation de Der Kaiser von Atlantis. Et il est fort à parier que, même en version de concert, le malaise subsisterait tant cette musique, grinçante et suffocante, véhicule d’angoisse. Les musiciens d’Ars Nova dirigés par Philippe Nahon, l’interprètent sans complaisance, telle qu’elle se présente : ironique, sèche, cassante, voire grotesque, avec parfois un lyrisme retenu dont le caractère furtif est volontairement esquissé pour éviter toute complaisance.

Les voix sombres baignent ici dans leur élément : Wassyl Slipak, aussi imposant dans le rôle de la mort que dans celui du haut-parleur, et plus encore Pierre-Yves Pruvot dont l’Empereur terrifiant réussit dans son dernier monologue à devenir émouvant par la seule maîtrise d’un chant exemplaire. Le duettino avec Bubikopf présente le soldat de Sébastien Obrecht sous un jour moins éloquent que son Arlequin deux tableaux auparavant. La partition offre au Tambour d’Anna Wall peu à exprimer, au contraire de Natalie Perez, vivifiante Garçonne, dont le choral final seul met l’aigu en danger. Même si la musique s’adoucit alors un tant soit peu, cet ultime hymne à la gloire de la mort referme cruellement un ouvrage indissociable de son histoire. Sur les 144.000 personnes déportées à Theresienstadt, on dénombrait à la fin de la guerre moins de 20.000 survivants.

 

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opéra en un acte, écrit et répété en 1943 au camp de Terezin, puis censuré, création en 1975 à Amsterdam

Détails

Mise en scène
Louise Moaty
Scénographie
Adeline Caron
Lumières
Christophe Naillet
Costumes
Alain Blanchot
Maquillage
Elisa Provin

Arlequin (La vie), un soldat
Sébastien Obrecht
Bubikopf
Natalie Perez
Empereur Overall
Pierre-Yves Pruvot
La Mort, Le Haut-Parleur
Wassyl Slipak
Le Tambour
Anna Wall

Ars Nova ensemble instrumental
Direction musicale
Philippe Nahon
Paris, Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet, vendredi 24 janvier, 20h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle