Amilcare Ponchielli s’était vu passer commande par les éditions Ricordi d’un nouvel opéra en collaboration avec Arrigo Boito pour le livret. Le choix de ce dernier porta sur une adaptation d’Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo, qui avait déjà servi à Mercadante. Ponchielli mit plus d’un an à composer une partition à laquelle il ne consacra pas toute son énergie. Il avait toutes les raisons d’être satisfait du triomphe remporté par son œuvre lors de la création à la Scala de Milan il y a tout juste 140 ans. Mais point de satisfaction : Ponchielli corrigea plusieurs pages de sa partition, coupant, réécrivant, ajoutant, puis recommençant encore après une première reprise, 7 mois à peine après la première. La version définitive paraîtra en 1880 seulement. Il eut la sagesse d’arrêter là, mais on ignore s’il était vraiment pleinement satisfait.
Œuvre exigeante par les moyens vocaux qu’elle requiert, La Gioconda doit tout à Verdi ou presque, Ponchielli n’étant pas par ailleurs très porté sur l’audace. Les grands moments y sont nombreux, le sens mélodique y est évident, les ensembles saisissants et sa musique de ballet, la fameuse danse des heures immortalisée par les hippopotames, autruches et autres crocodiles du Fantasia de Disney, est l’un des rares extrait dansé d’un opéra que tout le monde connaît.
Pourtant, dans l’extrait choisi par nos soins, point de « Suicidio ! », air légendaire de l’héroïne ; point de danse des heures, pas davantage de « O monumento » du méchant Alvise, Iago avant l’heure. Voici plutôt le grand ensemble final de l’acte III, particulièrement remanié par le compositeur, ici porté par une distribution de rêve avec hélas une prise de son des plus acide, qui ne rend pas pleinement justice à l’énergie du chef Gianandrea Gavazzeni, à la tête du Maggio musicale fiorentino. Cette intégrale, l’une des rares en studio du météore Anita Cerquetti, dans le rôle titre, tient cependant lieu de référence discographique.