Voici un petit bijou assez célèbre dont on ne sait à peu près rien, sauf que la première exécution connue a lieu le 2 juillet 1793 à Berlin : Il maestro di cappella de Domenico Cimarosa. Ce dernier écume alors les capitales européennes, comme une sorte de tour de piste alors qu’il revient de la Cour de la Grande Catherine à Saint-Pétersbourg puis de celle de Léopold II à Vienne. L’œuvre est sans doute antérieure de plusieurs années et devait figurer dans les malles du voyageur. On n’en connaît pas non plus le librettiste mais on en reconnaît bien l’esprit buffo.
Lointain ancêtre du chef d’œuvre fellinien sur un sujet voisin, Il maestro di cappella présente en 20 minutes une répétition d’orchestre au cours de laquelle le chef, un baryton-basse bouffe, va s’adresser au public pour lui expliquer ce qu’il va entendre et à l’orchestre ce qu’il va jouer. Il dialogue avec ce dernier pour le meilleur et pour le pire, raille avec déférence les reliques (Scarlatti), vante la modernité (lui) et célèbre finalement la musique. L’orchestre répond plus ou moins bien et le chef montre tour à tour les visages qu’on prête parfois plus ou moins injustement aux maestri : un peu de vanité ici, de la science là, de l’autorité (vaine), de la persuasion (illusoire), de l’acharnement (entêté), un soupçon d’agacement colérique et beaucoup d’(auto)satisfaction pour un résultat qu’on laisse aux auditeurs le soin de juger.
Début juillet 1994, à l’occasion du G7 organisé à Naples, les délégations officielles se sont accordé une pause musicale dans le cadre imposant de la Reggia de Caserte, résidence des Bourbons de Naples d’où venait Cimarosa né non loin de là. Claudio Desderi, qui vient de nous quitter, y a donné une version généreuse comme lui de ce savoureux intermezzo lyrique, malgré des conditions d’enregistrement qu’on aurait aimé meilleures. Lui qui était tout à la fois chanteur, directeur musical, pédagogue et chef d’orchestre trouvait là à jouer tous les rôles en un seul. Grazie, Maestro !